Nathalie, cheffe de l'alimentation-santé : "Il faut mettre du sens à ce qu'on fait"

Solange de Fréminville
DOSSIER : Travailler dans l'administratif

A Briançon (Hautes-Alpes), Nathalie Allamanno, passionnée de cuisine, a réinventé les métiers de la restauration collective en misant sur le fait-maison, bio, local, à coût très modéré. Pour prendre soin des enfants et de la planète.

Nathalie Allamanno, cheffe de l'alimentation-santé

"Les savoureuses tommes de Savoie ont remplacé les petites parts d’Emmental sous plastique, les yaourts crémeux au lait de vache ou de brebis bio des Hautes-Alpes ceux qui sortaient d’usine…" Nathalie Allamanno énumère avec gourmandise les délices servis aux enfants dans les cantines de Briançon, au lieu des produits industriels dont ils devaient se contenter auparavant. C’est elle qui a impulsé ce changement, à la tête de la restauration collective municipale, convaincue « qu’il faut aller vers une alimentation durable, pour la santé de nos enfants, celle des agriculteurs et la préservation de nos terres ».

Un succès : aujourd’hui, 76 % des achats viennent de l’agriculture biologique, dont 54 % de producteurs des Hautes-Alpes ou de départements limitrophes, et chaque semaine, les enfants ont droit à deux repas « alternatifs » végétariens. Les cantines de Briançon, labellisées Ecocert 3, y ont gagné en qualité et en maîtrise de leur budget : le coût des denrées s’élève à 1,99 euro par personne et par jour en 2022, selon le dernier audit d’Ecocert. Surtout, elles battent des records de popularité – 650 enfants s’y pressent, au lieu de 350 il y a 10 ans.

Rien ne prédestinait la Briançonnaise à réinventer la restauration collective publique. En 1988, son bac G en poche, elle était recrutée comme sténodactylo pour des remplacements à la mairie de Briançon. Une fois réussi le concours d’agent administratif, elle est allée de service en service et a fini par atterrir à la direction des finances qui l’a formée à la comptabilité. « Je m’y plaisais moyennement », avoue-t-elle.

Il ne faut pas rester dans son bureau, c'est un métier qui demande à être en cuisine

Sortir des sentiers battus

C’est en dehors de son travail qu’elle s’est livrée à sa passion, la cuisine, avec un net penchant pour tout ce qui sort des sentiers battus. La jeune femme a enchaîné les formations jusqu’au jour où elle s’est retrouvée dans un stage animé par le chef Gilles Daveau. Sa cuisine « nourricière », savoureuse, végétale et bio, l’enchante. Elle aime son inventivité et l’alliance réussie entre l’alimentation et la santé, « notre bien le plus précieux », sa deuxième passion, qui l’amène à se former à la naturopathie.

En 2011, nouveau tournant : le poste d’adjoint aux affaires scolaires, chargé de la restauration collective, s’est libéré à la mairie de Briançon. Une chance qu’elle a saisi aussitôt. D’autant que, dans son nouveau poste, la direction lui a donné « carte blanche ». Fini le tout industriel fourni par deux ou trois grossistes, des plats tout prêts déballés par les cuisiniers qui les réchauffaient ou les présentaient dans des plats, et dont, au final, des monceaux partaient à la poubelle. Priorité, désormais, au fait-maison avec des produits bruts.

Au terme d’un long travail de sourcing et de renouvellement du marché public, elle a réorienté les achats, en commençant par les fruits et légumes bios des Hautes-Alpes. Elle noue alors un partenariat fructueux avec Echanges paysans, une association de producteurs locaux. Par la suite, elle introduit fromages et autres produits laitiers, du pain bio mi-complet tranché, de la viande bio, et en 2020, deux repas alternatifs par semaine. Des produits fournis par le grossiste bio, elle ne garde que les haricots verts, brocolis, ou encore les choux-fleurs.

Cela ne s’est pas fait sans résistance. Les enfants ont d’abord fait la grimace à la vue des nouveaux yaourts, du drôle de gâteau haricot-choco, ou de la soupe servie en hiver, une fois par semaine. « Il faut expliquer, raconter d’où ça vient, comment c’est fait, et au besoin adapter : dans les yaourts, par exemple, on a mis du rapadura, un sucre de canne complet, les enfants ont adoré », relate Nathalie Allamanno, pour qui son métier demande avant tout de faire preuve de pédagogie. Elle a ainsi banni de son langage le mot « végétarien », « parce que les enfants entendent le mot “rien”, ça ne leur fait pas envie ». Lors des repas « alternatifs », elle les fait voyager aux quatre coins du monde, en Inde avec des dahl de lentilles, au Maghreb avec des couscous de légumes, ou encore en Chine, avec des nouilles asiatiques.

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Fait-maison

La pédagogie, c’est aussi son maître-mot dans son travail quotidien avec ses équipes, désormais formées au fait-maison et à l’alimentation végétale. « Il ne faut pas rester dans son bureau, c’est un métier qui demande à être en cuisine », dit la quinquagénaire. Elle met la main à la pâte, détaille le mode de cuisson des aliments et ajuste des recettes.

Dans les 11 cantines où prévaut le service à l’assiette, ce qui commande, c’est « l’appétit de chaque enfant, le fait qu’il aime un plat et en reveut », selon la Briançonnaise. C’est aussi, selon elle, la meilleure manière d’éviter le gaspillage. « Tous les déchets sont pesés en fin de service », précise-t-elle, pour faire la chasse aux quantités excessives comme aux cuissons loupées, ou pour modifier une recette moins appréciée. Elle s’efforce aussi de supprimer le plastique partout où c’est possible. « On fait livrer le yaourt et le fromage blanc dans de grands seaux, et c’est nous qui les mettons dans des coupelles en verre pour les servir », détaille-t-elle.

« Il faut mettre du sens à ce qu’on fait », insiste la responsable de la restauration collective, qui a fait de son métier « un sacerdoce » et s’efforce de le transmettre aux professionnels de la restauration collective publique qu’elle forme depuis quelques années. Dans les cantines de Briançon, elle a fait installer de grands aquariums remplis de compost, où ont été plantés des haricots : « Les enfants voient les racines, les tiges, les fleurs, ça les ouvre à notre environnement : les terres, les champs sont nos nourriciers ».

Cheffe de l'alimentation-santé

Catégorie : B

Fonction publique : territoriale

Cadre d'emploi : rédactrice (1ère classe)

Filière : administrative

Salaire : 2 312 € brut (temps 90%)

 

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