La mobilité : changer d'emploi, d'employeur ou de zone d'emploi, en restant fonctionnaire

Laure Martin • mis à jour le
DOSSIER : Réussir sa mobilité dans la fonction publique

La loi 2009 fait de la mobilité un droit des fonctionnaires. Où en est-on aujourd'hui? Changer de poste, d'emploi ou, surtout, de fonction publique n'est pas une démarche "naturelle" dans la fonction publique. Mais elle tend à le devenir dans certaines administrations et pour certaines catégories d'agents.

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[Mise à jour : 28/05/2020] On peut définir simplement la mobilité dans la fonction publique comme un  changement professionnel que connaît un agent public, qu'il soit fonctionnaire, agent contractuel ou qu'il possède un autre statut (bénéficiaire decontrat aidé, vacataire; etc.). Trois types de changements peuvent se produire dans leur carrière :

  • un changement d'employeur,
  • de zone d'emploi (mobilité géographique)
  • ou de statut et condition d'emploi.

Ces 3 types de mobilités peuvent se cumuler pour un même agent. La moitié des changements d'employeur s'accompagne d'une mobilité géographique (ce qui est plus rare en cas de restructurations, lire encadré ci-dessous).

Mobilité et restructurations

 

Une mobilité individuelle, initiée par l'agent public ou l'employeur, repose en principe sur un accord mutuel.  En revanche, une mobilité liée à des restructurations (fusion de communes ou d'hôpitaux par exemple) est subie par l'agent. Et elle concerne souvent un grand nombre d'entre eux à la fois : c'est une mobilité collective.

Sur la période 2010-2014, un quart des changements d'employeur correspond à des restructurations, avec des disparités selon les fonctions publiques : le nombre de ces mobilités "subies" recule dans la fonction publique de l'Etat, mais il progresse fortement dans la territoriale et dans l'hospitalière. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ces mobilités liées à des restructurations sont rarement associées à des mobilités géographiques (10 % d'entre elles seulement), car les "fusions d'employeurs se font souvent entre entités proches et certaines restructurations ne correspondent en fait qu'à un changement de statut juridique, voire en pratique de lieu de rattachement de gestion", explique Salah Idmachiche, de la DGAFP, auteur du dossier "Mobilités et restructurations dans la fonction publique de 2011 à 2014"(Ce dossier figure dans le "Rapport sur l'état de la fonction publique, édition 2016.).

 

La mobilité : environ 8 % des agents publics

La loi de 2009 sur la mobilité porte-t-elle ses fruits dans les trois fonctions publiques ? Pas encore. Les agents publics qui changent d'emploi ou de poste restent peu nombreux. Et ceux qui changent d'employeur, encore moins. Sauf, toutefois, dans certains ministères et, de manière générale, les cadres A et B. Car pour eux, c'est souvent une condition pour monter en responsabilité, et parfois une obligation statutaire.

>> Lire aussi : Mobilité, les chiffres-clés

La mobilité dans les administrations de l’Etat

Dans les administrations, le nombre de demandes de mobilité varie au sein des services d'un même d’un ministère et entre ministères.

Au ministère des Affaires étrangères, la mobilité est très forte

La carrière de la plupart des agents du ministère des Affaires étrangères est caractérisée par une très forte mobilité géographique, internationale et fonctionnelle. Avec une rotation annuelle de 33 %, ce ministère affiche le taux de mobilité le plus élevé de la fonction publique.

• Au ministère de la Défense, la mobilité fait partie du parcours

Pour accompagner la diminution des effectifs programmée sur 2014-2019, telle que définie par la loi de programmation militaire, les mesures liées aux restructurations sont maintenues, révèle le "Bilan social 2013". Il s'agit, notamment, de réguler les flux entrées-sorties ou encore de favoriser les mobilités vers les autres fonctions publiques.

En tout état de cause, la mobilité offerte aux militaires est bien organisée au ministère de la Défense. Ce qui est logique :

  • d'abord, sauf les militaires de carrière, beaucoup sont sous contrat et certains s'engagent avec l'idée de bifurquer ensuite vers une autre fonction publique ou dans le privé, après avoir reçu une formation (rémunérée) au sein de l'armée ;
  • ensuite, la vie d'un militaire est éprouvante physiquement et implique des déplacements fréquents, en France et à l'étranger. Certains aspirent à une vie plus "tranquille", dès qu'apparaît le premier bébé ou que les tempes grisonnent.

Témoignage métier

 

Aussi, au ministère de la Défense, l'Agence de reconversion de la défense (ARD), dénommée aussi « Défense mobilité »,  constitue depuis 2009, le service ministériel d’accompagnement à la mobilité externe du personnel de la Défense. Il existe aussi un  site web spécifique Mobilité Défense et même une radio Mobilité.

En 2013, le taux de reclassement des militaires dans le secteur privé et les fonctions publiques était de 68 %, et le personnel militaire a connu 60 217 mutations, dont 24 856 avec changement de résidence, sur 215 019 équivalents temps plein (ETP).

Au ministère de l’Education nationale, la mobilité est faible

Le nombre de demandes de mobilité n’a pas beaucoup évolué depuis 2010, il a même diminué dans l’enseignement du premier degré. La part des demandes de mobilité ayant entraîné une mutation entre départements était de 37,1 %, en 2010 et de 23,1 % en 2014.

La part des demandes de mobilité ayant entraîné une mutation inter-académique pour les enseignants titulaires du second degré public a légèrement augmenté, passant de 41,3 % en 2010 à 43,9 % en 2014. Mais le nombre de participants titulaires au mouvement intra-académique est passé de 59 066 en 2010 à 48 152 en 2014, soit une baisse de 18,47 %.

>> Une bonne adresse :  le "Portail mobilité" destiné aux enseignants

La mobilité dans les collectivités territoriales

Dans la territoriale, la mobilité a évolué ces dernières années. Il y a cinq ans, Agnès Lucas-Reiner, directrice de l’emploi et des carrières au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) expliquait que, pour les DRH, existaient des enjeux importants de mobilité interne, avec des encadrants voyant la mobilité de leurs agents d’un mauvais oeil.
Une politique RH volontariste - « Pour les encadrants, ce qui peut être difficile en 2015, c’est la gestion de la mobilité, indique Francine Levannier, directrice des concours et de la mobilité des cadres de direction au CNFPT. Il ne faut pas que ce soit à outrance et au détriment du service. »
Désormais, la tendance générale au sein des collectivités territoriales est une volonté « d’animer et de développer la mobilité, à la fois pour développer les compétences des agents et disposer des bons agents au bon endroit », rapporte Francine Levannier. De plus en plus d’agents demandent à changer de filière.
Les cadres plus enclins à bouger - « Les cadres ont beaucoup plus intégré l’idée de mobilité que les autres agents, précise-t-elle. Cela fait partie du déroulement de carrière. »
Les entretiens annuels professionnels ont également fait bouger les choses. « Lors de ce temps consacré à la carrière des agents, ils peuvent parler de leur mobilité avec leur supérieur hiérarchique», fait savoir Francine Levannier.
Certaines collectivités territoriales ont établi des chartes de mobilité et des dispositifs de maintien dans l’emploi pour agir sur le reclassement des agents en situation de pénibilité ou pour ceux qui ont des carrières longues.
« Autrefois, on tenait moins compte de ces situations, souligne Francine Levannier, du CNFPT. Cela a changé depuis cinq ans. Les collectivités mettent en place des dynamiques de mobilité et font de la prévention en proposant aux agents une mobilité avant qu’ils ne puissent plus travailler physiquement. » La mobilité se met en place « de façon volontariste, ajoute-t-elle, mais dépend des moyens de chaque collectivité ».
En juillet 2014, Jean-René Moreau, de l’observatoire social territorial de la MNT, commentait une récente étude de cette institution sur « Les mobilités, levier de management », sur le site web de laGazette.fr. Selon lui, « il n’y a pas réellement de culture de la mobilité dans la fonction publique territoriale ». La mobilité géographique concerne 0,5 % des agents, mais la mobilité vers l’Etat ou l’hospitalière seulement 0,2%.

La mobilité dans les établissements publics de santé

Il est plus difficile pour les agents des établissements public de santé de migrer vers une autre fonction publique.

"Dans la fonction publique hospitalière (FHP), la mobilité est davantage liée au caractère technique des missions des agents, souligne Thierry Lhote, délégué régional de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) Bretagne. Par exemple, pour un agent des services hospitaliers (ASH) ou un aide-soignant, la mobilité est rarement mise à profit."

La mobilité est donc officiellement possible pour tous, mais n’est réelle que pour les agents qualifiés ou alors par le biais du réseautage.

"La mobilité inter-fonctions publiques est très difficile, sauf pour les énarques, pointe Thierry Lhote. Les spécificités restent fortes. On n’a jamais vu de directeurs d’hôpital entrer au ministère de la Culture ! » Et d’ajouter : « Les tutelles voudraient que cela circulent plus. Mais dans les trois fonctions publiques, il existe des cultures de fonctionnement différentes. On a peur d'introduire le loup dans la bergerie avec des méthodes de management différentes. »

Pour les soignants, les liens sont possibles avec la territoriale au sein des centres communaux d'action sociale (CCAS) notamment, d’autant plus que le secteur médico-social recrute et continuera de le faire, en raison d'une pénurie de personnel et de l'accroissement des besoins de la population.

La situation des directeurs d’hôpitaux est particulière. Ce sont eux les plus mobiles (avec les attachés), car, statutairement, il leur est demandé de l’être interrégionalement. « Environ 10 % des directeurs d’hôpitaux sont en détachement », conclut Thierry Lhote.

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