Aides-soignants : des professionnels à la recherche de reconnaissance
450.000 aides-soignants exercent dans les centres hospitaliers, les établissements pour personnes âgées ou chez les patients. Et ce, sous la responsabilité des infirmières. Une tutelle parfois problématique. Mais "c'est une profession où il n'y a pas de chômage", affirme Carole, aide-soignante depuis 26 ans.
(Mis à jour le 10 juin 2020) Il existe 3 voies d'accès pour devenir aide-soignant. Un métier qui a du sens, une vraie utilité, puisqu'il consiste à "aider les gens" malades, handicapés, âgés..., comme le dit Carole, aide-soignante depuis 26 ans (lire son témoignage sur cette page). Elle nous rappelle aussi que cette profession ne connaît pas le chômage. Toutefois, il existe un malaise chez les aides-soignants, qui pourrait décourager des vocations fragiles...
Nombre de ces professionnels du soin considèrent que leurs compétences ne sont pas reconnues à leur juste valeur, par les infirmières qui les supervisent notamment. Une bonne nouvelle, cependant : une réingénierie de leurs diplômes est à l'étude.
Trois voies pour devenir aide-soignant
Le cursus classique : l'institut de formation d'aides-soignants (Ifas)
Les instituts de formation d'aides-soignants (Ifas) recrutent leurs élèves sur concours. Il suffit d'avoir 17 ans minimum pour se présenter à ce concours d'entrée en Ifas. Sur le papier, c'est la seule condition exigée. Pas besoin d’avoir le baccalauréat, donc ! Cependant, avec la réingénierie du diplôme, le bac pourrait être exigé à l’avenir. Pour le moment, le brevet ou un diplôme du secteur sanitaire et social de niveau V sont suffisants. Reste toutefois à financer les études. Comptez environ 1 200 euros. Il est toutefois possible de le financer en tout ou partie.
>> Sur le financement des études en Ifas, lire aussi : Aides-soignants : métiers, concours et formation
La formation des Ifas comprend 1 435 heures d’enseignement théorique et clinique, au sein de l’institut et en stage. Elle peut se faire de façon continue ou discontinue sur une période ne pouvant excéder 2 ans. Pour obtenir le diplôme d’Etat d’aide-soignant (DEAS), 8 compétences doivent être validées.
Le bac pro filière "Accompagnement, soins et services et à la personne" (ASSP)
"Sur les trois ans d’études, de la seconde à la terminale, il y a 22 semaines de stage pratique dans le milieu médico-social", indique Arlette Schuhler, présidente de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas).
Les titulaires de ce bac pro sont exemptés du concours d’entrée à l’Ifas.
Les titulaires de ce bac pro sont exemptés du concours d’entrée à l’Ifas. Généralement, 10 % des places en Ifas sont réservées aux bacheliers, qui doivent ensuite valider 4 compétences pour obtenir leur diplôme, puisque les 4 autres ont été validées pendant le lycée.
L’apprentissage, une voie moins courante
"Certains Ifas réservent un quota de places pour accueillir des candidats au DEAS par le biais de l’apprentissage", précise Arlette Schuhler. La durée d’apprentissage peut aller de 18 à 24 mois selon les centres de formation d’apprentis (CFA) pour obtenir le diplôme, mais charge au candidat de trouver son employeur.
>> Lire aussi : L'essor de l'apprentissage dans la fonction publique
Référentiel des compétences - Diplôme d'Etat d'aide-soignant | |
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Unités du DEAS | SAVOIR-FAIRE |
1. Accompagner une personne dans les actes essentiels de la vie, en tenant compte de ses besoins et de son degré d'autonomie | Identifier les besoins essentiels de la personne, en tenant compte de sa culture, de ses habitudes de vie, ses choix et ceux de sa famille |
Repérer l'autonomie et les capacités de la personne | |
Aider à la toilette, l'habillage, la prise de repas, l'élimination et le déplacement, en l'adaptant aux besoins et aux capacités de la personne et en respectant les règles d'hygiène et de pudeur | |
Stimuler la personne, lui proposer des activités contribuant à maintenir son autonomie et à créer du lien social | |
2. Apprécier l'état clinique | Observer la personne et apprécier les changements de son état clinique |
Identifier les signes de détresse et de douleur | |
Mesurer les paramètres vitaux avec des outils spécifiques et réaliser les courbes de surveillance | |
Identifier les anomalies au regard des paramètres habituels liés aux âges de la vie | |
Identifier les risques liés à la situation de la personne | |
Discerner le caractère urgent d'une situation et alerter | |
3. Réaliser des soins adaptés à l'état clinique | Rechercher les informations sur les précautions particulières à respecter lors du soin |
Identifier et appliquer les règles d'hygiène et de sécurité associées aux soins à la personne | |
Organiser l'activité de soin en fonction de l'environnement et de la personne | |
Choisir le matériel approprié au soin | |
Réaliser les soins dans le respect de la personne, de son autonomie, de son intimité et en tenant compte, des appareillages et matériels d'assistance médicale: soins liés à l'hygiène corporelle et au confort, à l'alimentation, à l'élimination, au sommeil et aide de l'infirmier à la réalisation de soins | |
Adapter les modalités de réalisation du soin à l'état de la personne et à ses habitudes de vie | |
Evaluer la qualité du soin réalisé et réajuster le cas échéant | |
4. Utiliser les techniques préventives de manutention et les règles de sécurité pour l'installation et la mobilisation des personnes | Identifier et appliquer les principes d'ergonomie et de manutention lors des mobilisations, des aides à la marche et des déplacements |
Identifier et appliquer les règles de sécurité et de prévention des risques, notamment ceux liés aux pathologies et à l'utilisation du matériel médical | |
Installer la personne en tenant compte de ses besoins, de sa pathologie, de son handicap, de sa douleur et des différents appareillages médicaux | |
5. Etablir une communication adaptée à la personne et à son entourage | Ecouter la personne et son entourage et prendre en compte les signes non verbaux de communication sans porter de jugement |
S'exprimer et échanger en adaptant son niveau de langage, dans le respect de la personne et avec discrétion | |
Expliquer le soin réalisé, les raisons d'un geste professionnel et apporter des conseils sur les actes de la vie courante | |
Faire exprimer les besoins et les attentes de la personne, les reformuler et proposer | |
des modalités adaptées de réalisation du soin | |
Apporter des informations pratiques adaptées lors de l'accueil dans le service dans le respect du règlement intérieur | |
Identifier les limites de son champ d'intervention dans des situations de crise, de violence en prenant du recul par rapport à la personne et à sa situation | |
6. Utiliser les techniques d'entretien des locaux et du matériel spécifiques aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux | Identifier et choisir le matériel et les produits appropriés |
Doser et utiliser les produits en fonction des procédures et des fiches techniques | |
Utiliser les techniques de nettoyage appropriées, notamment pour lutter contre les infections nosocomiales, en appliquant les protocoles et les règles d'hygiène et de sécurité | |
Identifier et respecter les circuits d'entrée, de sortie et de stockage du linge, des matériels et des déchets | |
Installer le mobilier et le matériel de la chambre en l'adaptant à l'état de la personne | |
Utiliser les techniques de rangement et de stockage adaptées | |
Apprécier l'efficacité des opérations d'entretien et identifier toute anomalie | |
Repérer toute anomalie dans le fonctionnement des appareils médicaux et alerter | |
7. Rechercher, traiter et transmettre les informations pour assurer la continuité des soins | Identifier et rechercher les informations nécessaires sur les précautions particulières à respecter lors d'un soin et permettant de prendre en compte la culture du patient, ses goûts, son régime |
Transmettre les informations liées à la réalisation du soin et alerter en cas d'anomalie par oral, par écrit ou en utilisant les outils informatisés | |
S'exprimer au sein de l'équipe de soin en utilisant un langage et un vocabulaire professionnel | |
Renseigner des documents assurant la traçabilité des soins en appliquant les règles | |
Rechercher et organiser / hiérarchiser l'information concernant le patient | |
Discerner les informations à transmettre dans le respect des règles déontologiques et du secret professionnel | |
8. Organiser son travail au sein d'une équipe pluriprofessionnelle | Identifier son propre champ d'intervention en particulier au regard des compétences infirmières |
Organiser sa propre activité au sein de l'équipe en tenant compte de la planification de l'ensemble des activités du service et dans le respect des règles d'hygiène |
Source : ministère de la Santé
Malaise chez les aides-soignants
Lors de la dernière réunion de concertation, le 27 mars 2017, « le groupe de travail a validé le référentiel de compétences, ajoute-t-elle. Nous avons discuté des compétences et des actes à attribuer aux aides-soignants, car au quotidien, nous réalisons des actes hors de notre champ de compétences... en toute illégalité. Au moindre problème avec un patient, l’aide-soignant est en tort et risque une peine pénale."
L’un des principaux actes effectués par les aides-soignants, sans qu’ils en aient la compétence est la glycémie capillaire", surtout en Ehpad où il existe un manque d’infirmiers et au domicile du patient, où nous intervenons dans le cadre d’un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad)", fait savoir Arlette Schuhler.
D’autres actes sont réalisés hors champ de compétences : c’est le cas pour les collyres, l’application de certaines pommades ou encore la pose des bandes de contention.
S'émanciper de la tutelle des infirmiers
Quant à l’aspiration endotrachéale à domicile, "les auxiliaires de vie sont habilitées à la pratiquer, mais ce n’est pas notre cas ! Il y a des aberrations et dans le cadre de ces travaux nous avons essayé d’argumenter afin d’élargir nos compétences", rapporte Arlette Schuhler.
"Nous avons obtenu quelques petites avancées, mais qui restent vagues, indique Arlette Schuhler. Par exemple, l’aide-soignant va pouvoir mesurer la glycémie capillaire par une technique à lecture instantanée. Actuellement, nous ne sommes pas en mesure d’en dire davantage, mais ces actes seront toujours réalisés sous le couvert de l’infirmière. C’est une grande déception et nous déplorons que ce soient principalement les syndicats d’infirmiers libéraux qui s’opposent à l’évolution du métier d’aide-soignant, alors que tous les métiers évoluent afin d’être en adéquation avec les besoins de la société."
Tant que nous n’aurons pas obtenu la reconnaissance de notre rôle propre, nous ne pourrons pas pratiquer certains actes seuls et en toute autonomie.
Le nouveau référentiel de compétences validé, il faut désormais revoir le référentiel de formation. "Pour le moment, aucune information n’a été diffusée sur ce travail", fait savoir la présidente de la Fnaas. "Nous sommes dans l’attente d’être recontactés, poursuit-elle. Aujourd’hui, les professionnels n’ont plus confiance." Et de conclure : "Tant que nous n’aurons pas obtenu la reconnaissance de notre rôle propre, nous ne pourrons pas pratiquer certains actes seuls et en toute autonomie, car nous serons toujours obligés d’en référer à notre supérieur, l’infirmière."
Témoignage
"Aide-soignant, un métier où il n’y a pas de chômage"
Carole Gauvrit, aide-soignante au centre hospitalier de Libourne (Gironde)
"Je suis aide-soignante depuis 1991. J'ai toujours voulu faire ce métier. Plus jeune, je voulais aider les gens... Et j'ai réalisé que le métier de ma maman, aide-soignante, me correspondait bien. J’ai commencé au centre hospitalier de Libourne comme ASH [agent des services hospitalier, ndlr] 'faisant-fonction' d’aide-soignante. Puis, j’ai suivi la formation d’aide-soignante, financée par l’établissement. J’ai effectué toute ma carrière là-bas. J’ai commencé auprès des personnes âgées en unité de soins de longue durée (USLD), puis, très rapidement, je suis allée en médecine.
En 26 ans, j’ai observé l’évolution du métier et sa reconnaissance progressive. Notre situation s'est améliorée avec la création d’un diplôme. Lorsque j’ai débuté, les aides-soignants étaient vraiment les petites mains des infirmiers et il n’y avait pas de référentiel d’activité. Ils avaient un certificat d’aptitude aux fonctions d’aide-soignant. Ensuite, le diplôme professionnel d’aide-soignant (DPAS), dont je suis titulaire, a été créé, avant le diplôme d’Etat [DEAS] en 2007.
A l’origine, nous étions très peu considérés. Aujourd’hui, nous faisons partie des staffs, de la commission des soins. Nous sommes pris en considération.
Le problème des aides-soignants, c’est qu’ils exercent dans le cadre du rôle propre des infirmiers. De fait, quand on a été acceptés dans les staffs, ils ne voyaient pas l’intérêt de notre présence.
Nous nous sommes imposés difficilement. Et aujourd’hui, c’est acté !
Les relations avec les infirmiers restent tendues concernant des actes que nous revendiquons, car nous les effectuons quotidiennement. Mais les infirmiers ne sont pas enclins à nous céder du terrain, par exemple pour la glycémie capillaire.
Il me reste environ 8 années avant la retraite et j’envisage sérieusement de me mettre en disponibilité et de me renseigner sur l’intérim et le travail en Ssiad, afin de voir d’autres modes d’exercice du métier. Comme je compte prendre plus de responsabilités au sein de la Fnaas, cela me permettrait d’avoir un planning un peu plus maléable. L’avantage, c’est qu’il s’agit d’un métier où il n’y a pas de chômage, c’est rassurant."
>> Maryse, aide-soignante en gériatrie dans un hôpital parisien, le confirme : "C'est un métier où il y a besoin de monde encore" : Découvrir son témoignage en vidéo
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