Réforme de la fonction publique : ce qui pourrait changer...
Pour les (futurs) agents publics, la réforme de la fonction publique lancée en février 2018, c'est un peu la Twilight Zone ! Une chose est sûre : la rémunération, les carrières et le mode de recrutement des agents publics sont dans la ligne de mire du gouvernement.
Faciliter le recrutement de contractuels dans la fonction publique, revenir à la rémunération au mérite et revisiter les instances sociales que sont les commissions administratives paritaires. Ces trois chantiers qualifiés de "prioritaires" de la réforme annoncée de la fonction publique bousculent le statut des fonctionnaires. Des chantiers à haut risque, donc, ouverts, le 1er février 2018, par le souhait du Premier ministre, Edouard Philippe, de mettre en place un "nouveau contrat social avec les agents publics".
La concertation avec les employeurs publics et les syndicats devrait durer jusqu’au début de 2019, s’achevant au lendemain des élections professionnelles prévues dans le secteur public... Et déboucher sur un projet de loi.
Carrière des fonctionnaires : des instances sociales revisitées
Aujourd'hui, la progression dans la carrière par l'avancement de grade ou le changement de corps ou de cadre d'emplois restent soumis à l'avis de la commission administrative paritaire. Et demain ?
Le "retour" de la rémunération au mérite des fonctionnaires
C’était l’une des promesses de campagne du président de la République, Emmanuel Macron, pour inciter à une plus grande individualisation des rémunérations.
Or, il existe déjà un dispositif allant dans ce sens : mis en place il y a quatre ans, le régime indemnitaire Rifseep récompense "l’engagement professionnel et la manière de servir" des agents. Le Rifseep est composé de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), mensuelle et obligatoire, et ducomplément indemnitaire annuel (CIA) non reconductible automatiquement. C’est par le biais de ce second outil que le mérite d’un agent est évalué chaque année.
La prime au mérite n’est pas évidente à mettre en place, chaque collectivité ayant sa propre définition du "mérite" !
Le Rifseep a d’ailleurs fait l’objet d’une délibération dans 45% des collectivités et établissements publics de coopération intercommunale. Or, la prime au mérite n’est pas évidente à mettre en place, car chaque collectivité a sa propre définition du "mérite" !
Dans certaines collectivités, des points (allant de 0 à 4) sont attribués selon le degré d’autonomie, la capacité à planifier des activités en fonction des contraintes du service, les déplacements quotidiens d’un lieu à un autre, l’absentéisme (réduction de 15 % de la prime après le seizième jour d’absence), etc.
La ville de Suresnes est souvent citée comme un exemple pour ses six niveaux d’évaluation (de "très insuffisant" à "exceptionnel"). Mais en 2016, sur les 1.300 agents municipaux concernés, une cinquantaine aurait contesté leur évaluation, estimant qu’au lieu d’avoir la note "B" stabilisant le montant de leur prime ils méritaient le "B+" qui leur aurait permis de voir cette variable augmenter de 10 à 15%.
D’après Patrick Coroyer, président de l’Association nationale des directeurs de ressources humaines des territoires (ANDRHDT), cité dans un article de la Gazette des communes, "ill existe extrêmement peu de cas de reconnaissance du mérite individuel. Les collectivités préfèrent récompenser le semi-collectif, c’est-à-dire l’intelligence collective et le travail collaboratif, plus en phase avec l’image de la fonction publique, via des indemnités de mission ponctuelle et des primes au projet".
Dès lors, comment, faire cohabiter le collectif et l’individuel ? D’autant que les primes au projet ne peuvent concerner que les agents de catégories A ou A+. Les autres catégories d’agents (B et C) seraient pénalisées, car difficile de comparer la productivité de tous les postes ! Autre problème, une rémunération plus individualisée pénaliserait les collectivités disposant de peu de moyens…
Recrutement dans le public : plus de contractuels...
Le troisième domaine dans la ligne de mire du gouvernement est l’élargissement du recours au contrat pour recruter dans la fonction publique. Alors que le principe est le recrutement de fonctionnaires après un concours qui garantit l'égalité des chances.
Or, le recours aux contractuels est déjà très développé dans le secteur public. Il représente plus de 50% des recrutements dans le secteur public, ces dernières années. Avec un bond entre 2015 et 2016 dans les fonctions publiques de l'Etat et hospitalière, selon des statistiques publiées en mai par la DGAFP. La fonction publique territoriale est celle qui emploie le plus d'agents contractuels (un agent sur cinq). La part des contrats de moins d'un an est plus importante dans les collectivités territoriales que dans les administrations de l'Etat, de santé et médico-sociales.
Le gouvernement veut lever les barrières au recrutement de contractuels dans les métiers qui ne relèvent pas d'une spécificité propre au service public.
Certains métiers notamment recrutent essentiellement des contractuels. De plus, un agent contractuel de catégorie A coûte 1,53% plus cher qu’un agent titulaire, notamment en raison des cotisations patronales, qui sont différentes.
Malgré cet état de fait, le gouvernement insiste sur la nécessité, selon lui, de lever les barrières qui empêchent de recourir aux contractuels, notamment dans "les métiers qui ne relèvent pas d'une spécificité propre au service public".
Tous les métiers liés à la numérisation des services publics qui nécessitent des compétences pointues sont en effet difficiles à trouver dans le champ public. Il s’agit notamment des métiers de l’ingénierie et de la sécurité informatique, de l’open data tels que les data scientists, les experts réseaux, les community managers, etc.
Références
> Sur www.gouvernement.fr, la présentation du premier comité interministériel de la transformation de l'action publique (programme Action publique 2022).
> Sur lagazettedescommunes.com : Réforme de la fonction publique : quatre chantiers qui interrogent
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