Nathalie, policière : "Le handicap, c'est la meilleure école de la démerde"

Laure Martin • mis à jour le
DOSSIER : Travailler dans la sécurité

Grande, cheveux courts, yeux bleus translucides, Nathalie Augis, brigadier-chef au commissariat du 13e arrondissement de Paris, a un physique que l’on remarque. Une stature. Mais derrière, la fragilité et la sensibilité peuvent poindre à tout moment. Une histoire de vie bouleversante.

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A peine la porte du commissariat franchie, Nathalie va droit au but, comme lorsqu’il faut enlever un sparadrap. Son franc-parler, c’est sa marque de fabrique. Avec, toujours, cette pointe d’humour "pour mieux faire passer le tout... " Après deux-trois bises aux collègues, elle montre son bras. Une prothèse. Elle ne le cache pas. Un permis moto à passer. Une chute. Un bras arraché. Le résumé est rapide, les conséquences plus complexes.

"Dire que je suis une personne handicapée, ça me fait mal", raconte-t-elle les yeux dans le vague. Elle s’interrompt un instant, puis reprend le fil…

L’attrait de l’uniforme - "Je suis fille de militaire. Quand j’étais petite et que je voyais mon père rentrer à la maison dans son bel uniforme, je me disais : quand je serai grande, je porterai un uniforme comme lui. Sa droiture m’a beaucoup influencée."

Du côté de sa maman, on est postiers. "Quand j’ai commencé à travailler, l’été, à La Poste, je faisais la tournée sur une 125 m3, mais sans permis. On a voulu me virer. J’ai donc passé le permis en 15 jours. J’en ai bavé, mais j’ai pu apporter le petit papier rose à mon receveur."

Nathalie est mutée à Paris et décide de passer le concours de gardien de la paix, attirée par l’uniforme. En 1992, elle intègre l’école de police. Elle a 28 ans. "J’étais vraiment contente d’avoir réussi ce que j’avais entrepris." Une  première année à la préfecture, suivie du central dans le 1er arrondissement pour faire de la surveillance de quartier et de la "gestion" de conflits entre bandes rivales.

Brigade anti-criminalité et décoration -  Lorsqu'elle a l’ancienneté requise, elle demande sa mutation pour la Brigade anti-criminalité (BAC) District Tenue. Après 15 jours de stage à Vincennes, elle intègre le commissariat du 13e arrondissement et devient chef de bord d’une voiture de patrouille. C’est à ce poste qu’elle reçoit sa médaille pour acte de bravoure et de courage par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement.

Je suis intervenue pendant un braquage à main armée d’un supermarché. J’étais surtout contente d’avoir fait mon travail !

Elle continue son chemin et passe, en 1999, le concours de brigadier. Mais il lui faut changer de commissariat pour prendre son galon.

Je me suis retrouvée à la mission prévention et communication, dans le 14e arrondissement. Je n’ai pas du tout aimé, car je ne me sentais pas acceptée.

Un an plus tard, elle retourne 'chez elle', dans le 13e, au service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) en unité de police et des quartiers. "Je prenais les plaintes, en grattant un peu plus", explique-t-elle. Elle fait trois ans, "mais ça ne bougeait pas assez" et souhaite intégrer le groupe d’intervention et de surveillance, qui requiert le permis moto administratif.

Deux mois de coma - "Pendant la préparation au permis, on faisait beaucoup de surveillance, on dormait peu et le 11 septembre 2006, on est parti pour une balade de 80 km." Malaise vagal ? Perte de contrôle? "Je ne me souviens plus."

Les témoins de l’accident disent qu’elle est tombée de sa moto comme un pantin désarticulé. Son bras est arraché par la glissière de sécurité. Elle est transportée à l’hôpital Pompidou, à Paris, où son bras lui est réimplanté. Mais Nathalie reste dans le coma. Pendant deux mois. Le réveil est douloureux. D'abord, elle apprend le décès de son père, atteint d’un cancer. Puis, son bras arraché la fait extrêmement souffrir en raison d’un staphylocoque. Elle demande l’amputation. Son bras est remplacé par une prothèse munie d’électrodes lui permettant de contrôler ses muscles.

Rééducation et séquelles - Après un long travail de rééducation, elle réintègre son commissariat, aux délits routiers. Depuis, elle est reconnue handicapée à 80%. "Je suis interdite de voie publique et je n’ai plus le droit de porter une arme", regrette-t-elle, en précisant avoir également vu, pendant quatre ans, une orthophoniste à la suite de séquelles neurologiques liées au traumatisme crânien causé par l’accident. Conséquences : fatigabilité, problèmes de concentration et dommages physiologiques collatéraux.

Je suis quelqu’un de terrain. Mais, désormais, je suis dans un bureau. Je n’ai pas la conscience tranquille. Je veux de l’interactivité.

Elle aimerait devenir formatrice, mais attend l’aval de sa hiérarchie.

"Le handicap, c’est la meilleure école de la démerde. L’accident m’a libérée et m’a appris à relativiser. Mais je vois toujours la vie de manière sombre", lâche-t-elle, avant de conclure : "Mon père m’a inculqué la dignité. Si je suis comme je suis, c’est pour lui. C’est pour lui que je vis. Merci papa !"

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