Les grandes écoles accompagnent l’envie de service public
Depuis quatre ans, des étudiants d’écoles de management et d’ingénieurs ambitionnent davantage à rejoindre la fonction publique, notamment territoriale. Une aspiration qu’encouragent les établissements.

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Au printemps 2022, leur discours de remise de diplôme avait fait la Une des médias. Critiquant ouvertement les enseignements et appelant à une orientation professionnelle plus respectueuse de l’environnement, les « bifurqueurs » d’AgroPariTech ont depuis laissé leur empreinte au sein des grandes écoles. Directeur exécutif d’HEC Talents, le programme d’accompagnement professionnel des étudiants de la prestigieuse école de management, Jean-Amiel Jourdan le reconnaît : « Nous n’avons pas connu de moment de bifurcation comme à AgroPariTech, mais nous avons voulu profiter de cette vague pour faire passer aux étudiants le message qu’ils étaient tous des bifurqueurs en puissance et qu’il nous tenait à cœur qu’ils fassent un choix de premier emploi qui corresponde à leurs propres valeurs ».
L’étude annuelle Universum sur les aspirations des étudiants relève que l’impact RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) pèse de plus en plus dans le choix de carrière des élèves d’écoles de commerce et d’ingénieurs. A la recherche de missions faisant sens, ils marquent un intérêt nouveau, frémissant mais non démenti depuis plusieurs années, pour le service public et singulièrement la fonction publique territoriale. « Ces étudiants restent minoritaires, mais ils se montrent très proactifs en s’engageant dans des associations, en s’informant sur les enjeux de transition et en cherchant des stages qui font sens pour eux », observe Eric Fortin, directeur des masters Énergie & transport, mobilités, réseaux à l’École nationale des ponts et chaussées.
Directeur général des services de la collectivité territoriale unique de Guyane, Grégoire Michau s’en réjouit. Diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale des ponts et chaussées il y a 20 ans, il a intégré la fonction publique territoriale en 2007. « J’ai toujours été attiré par le service public pour des raisons familiales et parce que les métiers y ont du sens. A la sortie de l’école, j’ai postulé dans le privé comme dans le public, mais ça n’a pas été facile car confier une équipe de 100 personnes à un jeune diplômé n’est pas dans les habitudes de la territoriale », confie-t-il. Finalement embauché dans une entreprise de travaux publics pour travailler sur des grandes infrastructures routières, il sera rappelé un an et demi plus tard par le conseil général de Haute-Savoie.
Les grandes écoles sont en tout cas bien décidées à accompagner ceux de leurs étudiants attirés par le service public. « L’établissement reste une école publique, adossée à un ministère technique, le ministère de la Transition écologique, et nous sommes encore en charge de la fin de la formation des étudiants, qui servent dans le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts. Il y a par ailleurs, une appétence réelle de nos élèves-ingénieurs pour les métiers du public, en particulier dans les collectivités territoriales. Pour y répondre, nous développons les opportunités de rencontres avec des représentants de l’État ou de la territoriale, comme nous le faisons d’habitude avec les secteurs industriels, de la construction, ou de l’ingénierie par exemple. A partir du moment où les pouvoirs publics ont un rôle fort de prescription sur les cahiers des charges pour réussir la transition écologique, nous avons le souci de développer chez nos élèves l’idée que des ingénieurs peuvent trouver du sens à y travailler », avance Anthony Briant, directeur de l’École nationale des ponts et chaussées.
Même écho à HEC, où le conseil, la finance et la tech continuer de truster le podium des débouchés. « Mais il n’y a pas de déterminisme, mon métier est d’encourager les étudiants à découvrir leur propre raison d’être », assure Jean-Amiel Jourdan. Depuis trois ans, l’école de management a introduit un séminaire « Raison d’être et soutenabilité » de quatre jours à Chamonix ainsi qu’un parcours de bénévolat de 30 heures. « Les collectivités comme les ETI (entreprises de taille intermédiaire) constituent un réservoir d’opportunités et permettent de se positionner très tôt sur des postes à hautes responsabilités, très opérationnels. Couplé avec l’envie de travailler en région, cela donne aux collectivités un vrai atout », poursuit-il. Et d’encourager les directeurs de ressources humaines territoriaux à proposer des offres d’emploi et de stages.
Pour les diplômés de grandes écoles, le dernier frein peut rester celui de la rémunération. « Je conseille toujours aux étudiants de se renseigner sur les niveaux de rémunération, sans partir sur des a priori. Ensuite, ils peuvent construire des stratégies, travailler tout de suite dans l’associatif ou le public en connaissance de cause ou développer des compétences dans le privé avant de viser de plus hautes responsabilités cinq ou six ans plus tard dans le public », indique Jean-Amiel Jourdan.
Grégoire Michau témoigne que le conseil général de Haute-Savoie s’était aligné sur son salaire du privé quand il avait été embauché en 2007. « Mais je venais du secteur des travaux publics, pas de la finance ! Une fois passé le concours d’ingénieur en chef, ma rémunération est entrée dans des grilles, mais ce n’est pas tellement mon sujet et je considère être déjà bien payé », conclut-il.
CentraleSupelec prépare ses étudiants aux concours
L’intérêt pour la fonction publique, CentraleSupelec le voit monter depuis environ quatre ans. « Nous avions des demandes d’étudiants qui regrettaient de n’avoir aucune vision des débouchés dans le public », indique Didier Dumur, professeur et directeur des études du cycle ingénieur de l’établissement. Omission corrigée puisqu’un premier enseignement électif sur les métiers du public, en lien avec la transition écologique, a été ouvert en 2023 pour les deuxième année. Suivi à la rentrée suivante par un double diplôme lancé avec Sciences Po Paris. « Les étudiants peuvent aussi participer à l’association étudiante PubliCS, qui rassemble depuis 2023 les élèves et alumni intéressés par les questions de politiques publiques et de bien commun », poursuit Didier Dumur. Devant le succès du cours consacré aux métiers du public, l’école d’ingénieurs va dispenser une seconde option, cette fois consacrée aux enjeux et grands défis du service public en matière de digital, d’IA ou de planification écologique. Autre nouveauté lancée cette année : la mise en place d’un coaching pour les étudiants visant les concours de la fonction publique. « Quelques-uns s’y étaient déjà frottés, avec succès. Nous avons voulu créer un dispositif pour les accompagner dans leur démarche », note le directeur des études. Pour cette année universitaire, quatre premiers concours sont concernés : ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, ingénieur de l’armement, administrateur de l’Insee et cadre de direction de la Banque de France. La prépa aux concours de Sciences Po Paris s’est rapprochée par ailleurs de l’école pour capter certains de ses étudiants qui pourraient ainsi candidater à l’INET (Institut national des études territoriales). « Sans que ce soit leur cible prioritaire, nos élèves ne s’interdisent pas la territoriale. La dimension opérationnelle des missions, qui intéressent certains d’entre eux pour un premier poste, est un atout », reconnaît Didier Duruc.
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