Inégalité de salaires : ce que la ville de Rennes fait pour les femmes

Séverine Cattiaux • mis à jour le
DOSSIER : Objectif : égalité femmes-hommes dans la fonction publique

La ville de Rennes s'est engagée sur la voie de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes depuis les années 90 (et Rennes Métropole depuis la mutualisation avec la ville centre, en 2010). Concrètement, les femmes y ont-elles gagné quelque chose ?

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A Rennes, l’égalité professionnelle est en marche depuis les années 1990. Au début, cela démarre très fort. La commune confie à une universitaire une étude sur les femmes cadres. Son constat : peu d'entre elles occupent des postes-clés, les conditions de travail défavorisent la gente féminine.

Claudine Larzul, responsable de la mission Egalité et de l’aménagement du temps de travail auprès de la DRH à Rennes et Rennes Métropole (5 000 agents, au total) retrace la suite, dans les grandes lignes : « Les questions ont d’abord porté sur l’égalité du temps de travail. En 1995, un groupe de cadres, sous l’égide d’une déléguée à l’Egalité, a mené un gros travail. Des mesures avaient été proposées en faveur des agents de catégorie C. On parlait plutôt de 'mesures d’ordre social', à l’époque. Après, il y a eu la réglementation sur les 35 heures. Tous les services ont produit un dispositif d’aménagement du temps de travail, dans lequel on évoquait la question des cadres."

Puis, en 2007, Rennes dépose un dossier pour obtenir le label "Egalité professionnelle". "Cela a donné du sens à tout ce que l’on faisait, précise Claudine Larzul, on a placé toutes ces questions dans ce cadre de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes."

Lutte contre le temps partiel - C’est d’abord en transformant les temps non complets en temps complets que Rennes permet à un nombre considérable d’agents de vivre mieux. Car, fait connu, dans la fonction publique territoriale, les temps non complets se trouvent essentiellement dans les services à la personne (crèches, écoles, maisons de retraite, etc.), où l’on compte une très forte majorité de femmes. "Dans ces domaines d’activités, rares sont les hauts salaires, et nombreuses les familles monoparentales. Donc, le salaire, c’est particulièrement important pour ces femmes", indique Claudine Larzul.

Dans les services à la personne, le salaire, c'est particulièrement important pour les femmes.

Claudine Larzul, responsable de la mission Egalité et de l’aménagement du temps de travail, auprès de la DRH à Rennes et Rennes Métropole

Grâce à des réorganisations de services, « environ 500 emplois ont été transformés ». Chez les aides à domicile sont créés des temps complets, notamment en intégrant le temps des déplacements.

La réforme des rythmes scolaires, une aubaine - Plus récemment, avec la réforme des rythmes scolaires, en 2013, 47 emplois à temps non complet ont été transformés en temps complet. La Ville transforme les heures de vacation (temps de midi, du périscolaire) en poste d’adjoints d’animation, en « vrais emplois ». Les agents dont les postes n’ont pas pu être transformés, ont perçu une indemnité compensatrice.

Cette année, 40 autres emplois devraient être concernés. Bien sûr, elles (ou ils) peuvent toujours opter pour un temps partiel. Mais « nous avons aussi pour objectif de les informer, parce qu’un agent ne pense pas toujours à sa retraite !" poursuit la responsable de l'aménagement du temps de travail.

Transformer les temps partiels en temps complets joue en faveur de la mixité des métiers.

Claudine Larzul, responsable de la mission Egalité et de l’aménagement du temps de travail

Autre effet du passage au temps complet : les métiers revalorisés attirent… les hommes. « Nous l’avons constaté, après le passage de tous les emplois d’agents d’entretien à temps complet, les hommes se sont mis à postuler. C’est un outil pour créer de la mixité.»

Seule possibilité, modifier les régimes indemnitaires - Rennes a entrepris, depuis 2007, de réduire le gap entre les salaires des métiers de la filière technique, plus masculine et mieux rémunérée, et ceux des autres filières : culturelle, médico-sociale et administrative, plus féminisées et, globalement, moins bien payées.

C’est sur les régimes indemnitaires qu’intervient la collectivité territoriale, le salaire de base étant fixé par le règlement. « Pour les catégories A et B, les fossés sont très importants, entre la filière technique et les autres filières », confirme Régine Marchand, syndicaliste CFDT ((Seul syndicat à avoir accepté notre demande d’interview.)), chargée de mission CCAS de la ville de Rennes, qui a « mouillé sa chemise dans ce dossier ». Elle poursuit : « Entre un ingénieur et un attaché qui encadrent 10 , 20, 30 agents, rien ne justifie une si grande différence de salaire. » Alors, qu’a fait la ville ?

Une grille d'équivalence entre métiers et filières - Pour commencer, elle a établi une grille d’équivalence entre les métiers et les filières technique et administrative. L’idée étant que les agents qui exercent des niveaux de responsabilité et d’expertise analogues perçoivent le même salaire.

Régine Marchand fait le point : « On est intervenu en priorité sur les grades de rédacteurs et d’attachés, et après les choses se sont faites au fil du temps, la filière culturelle en a bénéficié. Il y a eu les éducatrices-jeunes enfants en 2013, avec la revalorisation de leurs régimes indemnitaires. Il existait une distorsion entre leur régime indemnitaire et celui des autres personnes de la catégorie B d’autres filières. Nous nous sommes rapprochés de la filière administrative, qui avait connu des avancées en 2010."

Compliqué, tabou et coûteux - « Mais ce travail d’équivalence n’est pas simple, comment juger du niveau d’expertise entre des agents de filières différentes, un ingénieur qui construit des ponts peut-il être comparé à un attaché principal qui dirige un service de recrutement ? Je ne sais pas. C’est compliqué", reconnaît Claudine Larzul.

Alors, concrètement, comment ont évolué les salaires des femmes à Rennes ? "En 2006, j’avais 550 euros de régime indemnitaire au titre de la PSR [prime de service et de rendement, ndlr]. Maintenant, pour cette prime-là, je touche 2 200 euros. L’agent qui travaille dans une filière technique est sous le même numéro (Rennes en a établi 4) que moi, a probablement les mêmes régimes indemnitaires », explique Claudine Larzul, de la DRH. C'est le seul exemple concret que nous obtenons..., alors qu’Hubert Chardonnet, élu aux personnels des collectivités mutualisées, assure "qu’il n’y aucun problème pour faire témoigner des femmes". Les services assurent, eux, qu’il n’y a aucun témoignage possible.

"Il existait un engagement des élus sur le mandat précédent pour réduire les inégalités au mieux. Sauf que la machine est tombée en panne…"

Régine Marchand, syndicaliste CFDT

Aborder le sujet des salaires sur la place publique - même si c’est pour la bonne cause - reste tabou. Quoi qu'il en soit, la marge de manœuvre financière des collectivités territoriales se réduisant, la généralisation de l’égalité salariale sera difficile… La CFDT constate que les engagements se sont arrêtés en chemin au cours du mandat précédent : "Il existait un engagement des élus sur le mandat précédent pour réduire les inégalités au mieux. Sauf que la machine est tombée en panne…", déclare la syndicaliste Régine Marchand, qui remet le sujet régulièrement à l’ordre du jour.

Et demain...

 

L’objectif d’égalité salariale est-il maintenu dans un contexte financier tendu ? 

Claudine Lazul, responsable de la mission égalité et de l’aménagement du temps de travail à la DHR - "Ce travail n’est pas achevé, il faudra faire un bilan. On a inscrit, dans notre plan d’égalité 2014-2016, une analyse pour faire le point, voir s’il y a encore des écarts, et de quel ordre, et ainsi poursuivre, dans la mesure du possible, le rapprochement avec les filières médico-sociale et culturelle. C’est un objectif que nous conservons, mais nous savons que les collectivités se trouvent dans une situation difficile. Ce sont des budgets supplémentaires. On n’égalise jamais par le bas."

 

 

Jim Bossard, DRH - "On le maintient, mais on le nuance un petit peu. Non par manque de volonté politique, mais par manque de moyens. Les différences de salaires entre les filières sont liées à des questions juridiques, historiques... Techniquement, agir sur les régimes indemnitaires, c’est très complexe, tant ces régimes sont divers et variés. On essaye ainsi ponctuellement sur tel ou tel métier de revaloriser les régimes indemnitaires. Par exemple, nous avons actuellement une discussion sur la filière culturelle,  qui compte une majorité de bibliothécaires (en l'occurrence, beaucoup de femmes) qui travaillent le dimanche, et demandent une revalorisation de leur régime indemnitaire."

 

 

Josiane Ficher, secrétaire de la section CFDT communaux - "On avait obtenu un engagement avec un protocole, en 2009, pour un rééquilibrage entre les filières A et B, mais ce rééquilibrage s’est arrêté. Il reste beaucoup à faire pour qu’on réduise l'écart des A et B entre les filières techniques et les autres. A mener, aussi : un travail sur la transparence, au niveau de la direction, et de l’administration pour pouvoir dire à un nouvel agent : "votre régime indemnitaire est celui-ci". Il faut réduire l’opacité, avec des intitulés clairs. Plusieurs grandes collectivités ont  davantage avancé sur la transparence. C'est nécessaire, si l'on veut gagner la confiance des agents."

 

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