Grand âge : la revalorisation du métier d’aide-soignant sur les rails
Meilleures conditions de travail, hausse des effectifs et des salaires… Les métiers du grand âge s’apprêtent à connaître une cure de jouvence à la faveur de la « loi dépendance ».
(Mis à jour 05/08/2020) Les besoins en termes d’accompagnement des personnes âgées sont déjà très importants et continuent de progresser (1). 830 000 ETP, équivalent temps plein, selon le rapport Libault, travaillent actuellement dans le champ de la perte d’autonomie du grand âge. Il faudrait pouvoir embaucher 249 000 ETP d’ici seulement 10 ans pour répondre à l’ampleur de la tâche. Le hic est que le secteur de l’accompagnement des personnes âgées rencontre des difficultés à recruter du personnel, notamment des aides-soignants. Il est vrai que cette profession est loin d’être une sinécure. Le secteur est marqué par des conditions de travail difficiles, des rémunérations faibles, un fort absentéisme, beaucoup de maladies professionnels et d’accidents du travail. Tout l’enjeu de l’Etat est d’inverser ces tendances, et vite.
Volet majeur de la loi dépendance en préparation, la réforme des métiers de l’aide aux personnes âgées devrait précisément changer la donne. Sans attendre la loi, la ministre de la santé, Agnès Buzin annonce sa préoccupation d’ « avancer dès maintenant » sur « l’attractivité des métiers du grand âge », en se basant sur le rapport Libault « Grand Âge, le temps d’agir »sorti en mars. Celui-ci propose de lancer un plan national pour les métiers du grand âge dès 2019. « Il y a urgence, souligne la ministre de la santé Agnès Buzyn, saluant le contenu du rapport, à accompagner et à soutenir les professionnels courageux et engagés qui consacrent leur vie à nos aînés vulnérables, dans des conditions souvent difficiles voire pénibles ».
Lire aussi : Discours de Agnès Buzin lors de la remise du rapport en mars 2019
Embaucher plus de personnels pour mieux s’occuper des personnes âgées
L’objectif numéro 1 du plan national autour des métiers du grand âge est d’accroître le temps de présence humaine à proximité des personnes âgées. « La première nécessité pour demain est d’assurer auprès des personnes fragilisées par le grand âge la présence suffisante de professionnels qualifiés, fiers de leurs métiers, dans une relation d’accompagnement non seulement technique mais aussi humaine », peut-on lire dans le rapport Libault.
Dans les établissements, le rapport Libault préconise l’augmentation de 25% des effectifs auprès des personnes âgées d’ici 2024, que ce soit du personnel soignant, paramédical, des psychologues, des agents de service, des fonctions d’animation, pédagogiques et éducatives.
Les interventions à domicile vont également augmenter en termes de durée. Comme en établissement, le temps de présence des intervenants à domicile auprès de chaque usager est aujourd’hui minuté, au détriment parfois de la prise en charge des personnes à domicile. Les temps d’intervention seront revus à la hausse « pour libérer des temps effectivement consacrés à la relation humaine », appuie le rapport Libault. Il sera nécessaire dans cette optique de fixer des temps minimaux d’intervention à domicile selon la nature des besoins. C’est aussi une question d’équité : l’intervention des professionnels est inégale d’un territoire à l’autre. Selon la volonté politique et la capacité financière des conseils départementaux, les services à domicile sont plus ou moins soutenus financièrement. En découle, pour certains employeurs, une gestion des ressources humaines au cordeau.
Accroître la qualité de vie au travail
La qualité de vie des professionnels au travail dans les métiers de l’accompagnement du Grand âge est un autre grand chantier qui s’ouvre. Toute la filière des métiers du grand âge va être engagée dans un plan de prévention des risques professionnels, que ce soit à domicile et dans les établissements. Par ailleurs, toutes les bonnes pratiques organisationnelles seront à l’avenir encouragées et bénéficieront, par exemple, d’un fonds d’aide de l’Agence régionale de la santé. Des réseaux d’ « ambassadeurs des métiers » pourront être constitués pour diffuser l’essaimage de dispositifs innovants et efficients. Le rapport pointe aussi la nécessité de mieux accueillir les professionnels débutants, car le premier contact avec le métier est un « levier de fidélisation de première importance ».
Des hausses de rémunérations « ciblées »
En matière d’augmentations de salaires, il ne faut pas mûrir de faux espoir, étant donné « le contexte de tension forte sur la ressource publique », tient à rappeler le rapport Libault. « Les hausses de rémunération » seront donc « ciblées ». Dans les établissements, elles se traduiront en termes de nouvelles perspectives d’évolutions de carrière. Par exemple, des fonctions de « responsable d’unité de vie » en EHPAD et de « référent de proximité des démarches qualité » pourront être créées, assorties de facto d’une revalorisation salariale. Pour les professionnels du domicile personnel à domicile, les indemnités kilométriques seront revalorisées. Une manière aussi d’augmenter les salaires des aides-soignants à domicile est de rémunérer les temps collectifs de coordination des interventions et d’échanges de pratiques. Enfin, pour inciter les associations à embaucher du personnel à temps plein, la loi de la dépendance devra s’atteler à réformer la taxe sur les salaires afin de réduire le recours au temps partiel.
Formations
Le personnel en place et les profils recherchés devront aussi se mettre au diapason des nouveaux besoins. En établissement, face à l’augmentation de la charge en soins, un accroissement des professionnels qualifiés sera de rigueur. Des plans de formations réguliers pour, par exemple, renforcer les aptitudes relationnelles des professionnelles, seront mis en place afin d’assurer la montée des compétences générales.
(1) En 2050, 5 millions de Français auront plus de 85 ans, et le nombre d’aînés en perte d’autonomie aura presque doublé. Le secteur de l’accompagnement va de surcroît connaître dans les vingt prochaines années une vague de départ à la retraite. 60 % des salariés de la branche de l’aide à domicile en CDI ont plus de 45 ans et 27 % ont 55 ans et plus.
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