Anne-Laure Michel, pilote de chasse et commandante dans l’armée de l’air
En 2013, nous avions rencontré Anne-Laure Michel, l’une des 15 femmes pilotes de chasse, en France. Depuis 2008, elle commandait une escadrille et venait de rejoindre l'Ecole de guerre, pour voler toujours plus haut. En 2022, Anne-Laure Michel est devenue la première femme à prendre le commandement de la base aérienne d'Istres. Retour sur son parcours.
En août 2022, le colonel Anne-Laure Michel est devenue la première femme à prendre le commandement de la base d'Istres, l'une des plateformes majeures de l'armée de l'air.
Retour en 2013, à l'époque où elle entrait à l'Ecole de guerre, un établissement de formation des officiers supérieurs des forces armées françaises et des services de la Défense.
Anne-Laure Michel : ses missions
"Mon travail consiste", explique-t-elle, "à réfléchir avec quoi, dans le futur, on va équiper les avions de chasse pour rester compétents dans des opérations de type OTAN, par rapport aux autres pays, aux autres avions, et face aux nouvelles menaces."
Cette deuxième tranche de sa vie professionnelle s’achève cet été.
La commandante retourne en formation à l’Ecole de guerre, en septembre, pour mieux repartir sur le théâtre des opérations, en 2014.
"Mon objectif est de devenir commandante d’un escadron de chasse", lance-t-elle.
Devenir pilote de ligne : une ambition de longue date
Durant ses années collège et lycée, Anne-Laure Michel veut devenir pilote de ligne. La seule voie ouverte aux femmes.
"Je me disais : je vais essayer de faire ça".
Quand elle arrive au lycée, la première femme pilote de chasse, Caroline Aigle, fend les airs…
"J'ai opté pour cette voie, quand j'ai su que c'était possible".
Mon père est pilote de chasse. Dans la famille, on compte un grand nombre de pilotes. Aussi bien dans les loisirs que dans la vie de tous les jours, j'ai toujours connu l'aéronautique.
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Le parcours d'Anne-Laure Michel
Sa formation à l'Ecole de l'air
Prépa scientifique au Prytanée militaire de La Flèche, dans la Sarthe. Elle passe ensuite le concours de l’Ecole de l’air et suit une formation de trois ans dans cet établissement, à Salon-de-Provence.
Deux ans pour obtenir le diplôme d'ingénieur, une troisième pour décrocher le diplôme d'équivalence européenne, que tous les pilotes de ligne d'Europe passent dorénavant.
En 2001, commence la formation en vol, d'abord sur des avions à hélice.
Chaque jour, un vol. Pour chaque vol, un programme précis noté par le moniteur.
"A la fin de la première phase, il y a un classement, en fonction duquel, les premiers font ce qu'ils veulent, les suivants sont affectés à l’aviation de transport, etc."
Sa formation de pilote de chasse
En 2002, elle apprend à piloter l’Alpha Jet, premier petit avion de chasse (le même que celui de la Patrouille de France).
En mars 2003, elle obtient le brevet de pilote de chasse. Elle a 26 ans.
"Physiquement, piloter un avion de chasse, un engin qui peut aller jusqu’à 800 km/h, ce n’est pas plus dur pour une femme que pour un homme.
Il y a des critères à remplir et des étapes à franchir dans la formation, qui sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes (…)
Il faut avoir des abdominaux pour faire face aux accélérations.
De ce côté-là, les femmes : on est pas trop mal !
Quant à la force dans les bras, ce n'est pas primordial, car on est aidées par l'avion...
Si l'on veut imprimer un mouvement, il suffit d'appuyer sur un petit bouton, et l'avion nous aide à le maintenir…"
Physiquement, piloter un avion de chasse, engin qui peut aller jusqu’à 800 km/h, ce n’est pas plus dur pour une femme que pour un homme. La formation est la m^me pour les hommes et pour les femmes (…) Il faut avoir des abdos pour faire face aux accélérations. De ce côté-là, les femmes : on est pas trop mal !
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Anne-Laure Michel rejoint l'escadron du Normandie-Niemen
Piloter un Mirage F1 : le souhait d'Anne-Laure Michel
Anne-Laure Michel est affectée à l’escadron du "Normandie-Niemen" à Colmar, l’une des unités les plus prestigieuses des armées françaises, en janvier 2004. Elle pilote le Mirage F1. Conformément à ses vœux.
"J'avais envie d'être dans un avion monoplace. C'est le cas du mirage F1, que j’ai piloté et que je pilote encore. Car il existe aussi des avions biplaces avec un pilote à l'avant, un navigateur à l'arrière."
Des missions périlleuses à l'étranger
Durant cette période hyperactive, Anne-Laure Michel effectue 5 opérations extérieures au Tchad et une en Afghanistan, dont deux en tant que commandante de détachement de 60 personnes.
A raison d’une opération au moins chaque année, elle part à l’étranger quatre mois par an.
"J'ai passé au moins deux mois tous les ans, au Tchad".
L’escadron du "Normandie-Niemen" effectue dans ce pays d’Afrique centrale une mission permanente de soutien et de surveillance de l'armée tchadienne.
En 2010, Anne-Laure Michel part en mission en Afghanistan, "dans un contexte OTAN".
Comparé à l’Afghanistan, on parle moins de nos opérations au Tchad…, relève-t-elle.
Pourtant, je vous avouerais qu'il y a eu là-bas des missions avec beaucoup de tension…
Pour un pilote, c'est aussi dur de surveiller des troupes africaines en train de se taper dessus que de surveiller des soldats américains qui essaient de ne pas sauter sur une mine, ou de ne pas se faire tirer dessus par les Talibans."
Comment surmontait-elle le stress ? "Je me disais : il ne faut pas trop penser à ce qui peut arriver de négatif, parce que ça peut paralyser et, du coup, être négatif pour la mission."
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Le quotidien d'une pilote de chasse
Une préparation et des entraînements intensifs
Outre ces temps forts, les pilotes de chasse effectuent des exercices de plusieurs jours, voire semaines, tout au long de l’année. Car un pilote ne doit jamais faillir.
En plus d’une parfaite maîtrise de soi, il doit être multitâche "et réactif, car il est rare que cela se passe comme prévu.
"Nous avons suivi une préparation intense aux Etats-Unis, avec tous les autres pays.
En Afghanistan, il y a une grande zone d'exercice, où sont reconstituées les conditions d’un exercice réel, où tout le monde travaille ensemble en ambiance OTAN".
Lors des entraînements sont reconstituées des "ambiances hyper denses".
L’objectif est de "voir comment les gens vont réagir parce que, c'est humain, il peut arriver que les pilotes craquent face à une forte sollicitation, donc on essaie de s'en rendre compte avant de partir en opération ».
Les pilotes savent qu’ils ne s’entraînent pas en vain, ce qui est encore plus vrai ces dernières années…
"Oui, il y a eu une période dans les années 2000, où il n'y a pas eu trop de conflits, où l'on aurait pu penser que les pilotes ne faisaient que s'entraîner...
Mais après l'Afghanistan, il y a eu la Libye, le Mali… On n’en est plus au stade où l’on s’entraîne juste pour s’entraîner.
Le grand public sait que nous allons sur le terrain, et parfois au pied levé. Finalement, ça nous motive aussi."
L'évolution de carrière pour un pilote de chasse
La vie professionnelle du pilote de chasse est jalonnée d’échelons à gravir.
"Ces qualifications sont toujours une phase difficile pour un pilote", reconnaît la commandante Michel.
Mais elles font partie du jeu. La première année, le pilote est "en instruction au sol".
Il apprend à "devenir opérationnel", il va s’exercer en avion à faire des tirs, les plus précis possible, à réussir des opérations délicates tel le ravitaillement en vol…
Puis, il devient pilote opérationnel, il passera l’année suivante de nouvelles qualifications pour devenir sous-chef de patrouille, devenant ainsi capable d'être leader de deux avions pour partir en mission d'opération.
L'année d'après, il devient chef de patrouille, donc, capable d’emmener 4 avions et plus, en mission.
En 2007, Anne-Laure Michel a obtenu son brevet de Mission Commander. Elle pouvait partir en mission avec pas moins de 100 avions, de tout type et de tout pays.
L’humour étant sa meilleure arme antimacho. Elle porte un écusson, créé avec des collègues femmes, FAF's Angels, surmonté de cette petite phrase espiègle : "Don't panick : women on stick".
Femmes pilotes de chasse : du rêve à la réalité
Dans le documentaire "Femmes pilotes de chasse : du rêve à la réalité", sorti en 2009, on la voit s'entraîner, partir en mission, parler de sa condition de femme.
La commandante d'escadrille évolue manifestement avec une certaine aisance dans cet univers masculin…
Anne-Laure Michel a vraiment imposé un style de management.
"Il y a eu, au début, beaucoup de réticences à la présence de femmes dans les escadrons de chasse, des gens pour dire qu’elles allaient mettre le bazar, mais de fait, les femmes apportent plus de compréhension...", affirme-t-elle.
Contrairement aux hommes, elle explique percevoir ces "aspects humains qui échappent et qui peuvent expliquer certaines situations, certains échecs".
"Je ne sais pas si c'est dans notre nature, si c'est plus développé chez la femme, mais on m’a souvent dit : heureusement que tu nous dis cela…».
Davantage dans l’empathie, elle suscite les confidences. Pour toutes ces raisons, ses collègues hommes la surnomment "maman"…
Les femmes pilotes restent rares en France
Reste que les femmes pilotes sont rares en France.
"Toutefois, plus de femmes font l’Ecole de l’air qu’il y a dix ans. Dans ma promotion, nous étions 9 filles sur 96, aujourd'hui, elles sont un bon quart".
Mais la filière "pilote de chasse" intéresse encore peu de femmes, qui embrassent plutôt des carrières qui permettent de rester au sol ou préfèrent piloter les avions de transport, les hélicoptères…
"Le petit défi supplémentaire lié à la période actuelle : les restrictions budgétaires, qui font qu'il y a de moins en moins d'escadrons de chasse !"
Autrement dit une petite dizaine de postes sur toute la France…
(1) Un escadron comprend une trentaine de pilotes, répartis en 3 escadrilles.
(2) FAF = French Air Force, "FAF’s Angels" en référence à la série Charlie's Angels
Les questions de la rédac'
• Votre situation familiale ? Mariée, un petit garçon.
• Des loisirs ? Le sport entre midi et deux et le week end avec mon mari, la famille, les amis, des balades en montagne… Des sorties culturelles à l’occasion, comme récemment au théâtre antique d'Orange…
• Un livre, une expo ? Je lis le dernier ouvrage de Marc Lévy, et une pile de livres m’attend !
• Votre salaire net ? 5 000 euros par mois environ.
• Votre moment préféré dans la journée ? Quand je quitte mon travail, que j'ai fait que tout ce que je voulais faire et que je vais retrouver mon fils.
• Si vous exerciez un tout autre métier dans la fonction publique ? Prof de maths ou d’une matière scientifique.
• Réseaux sociaux, vous en êtes ? J’ai cessé d’aller sur Facebook, submergée par les "demandes d’amis", à la suite d'un reportage à la télé.
• Un doudou numérique ? Un Iphone, et peut-être bientôt à une tablette plus grande…
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