Réalisé chaque année, le baromètre du groupe Randstad, effectué en partenariat avec Villes de France et l’Assemblée des communautés de France (ADCF), trois collectivités sur quatre appliquent déjà le régime légal des 1 607 heures ou s’apprêtent à le faire. Et ce alors même que la loi de transformation de la fonction publique du 6 août prévoit la suppression des régimes dérogatoires à la durée légale du travail en 2022 au plus tard. Publiée lundi 16 septembre, cette étude qui prend pour la première fois en compte la notion de temps de travail, tord ainsi le cou au fantasme d’un secteur public qui « travaillerait moins ».
De fait, deux tiers des collectivités sont déjà dans les clous et depuis longtemps. Nombre d’entre elles ont en effet anticipé le mouvement d’alignement sur la durée légale depuis 2014. Avant cette date c’est même 41 % des collectivités qui appliquaient déjà les 1 607 heures. 16 % se sont alignées au cours du mandat actuel et 18 % ont engagé un processus de mise en conformité.
Dans le détail, ce sont d'abord les petites communes de moins de 5.000 habitants qui ont pris le pli, puisque 80% d’entre elles ont aligné le temps de travail de leurs agents sur le régime légal, ou sont en passe de le faire. « Cela s’explique par le fait que ces communes étaient déjà sur un temps avoisinant les 1850 heures et ont basculé très naturellement vers un temps de travail de 1607 heures à la faveur de la loi Aubry (février 1998) sur les 35H » explique Patrick Coroyer, président de l'Association nationale des DRH des territoires (ANDRHDT) et directeur du département ressources humaines de la ville de Nantes et de Nantes Métropole.
Une mise en conformité liée à la réglementation mais aussi due aux contraintes budgétaires auxquelles sont confrontés les territoires. Le passage aux 1607 heures comptait également comme objectif affiché la diminution, au mieux la maîtrise, de la masse salariale.
Les grandes collectivités à la traîne
En revanche, toujours selon l’étude, plus la taille des collectivités augmente plus le régime légal peine à être mis en place. Près du tiers des communes de plus de 50.000 habitants (32%) et des conseils régionaux et départementaux (31%) affichent un temps de travail annuel inférieur aux 1607 heures.
Pour l’expliquer Patrick Coroyer met en avant la présence de contraintes particulières comme les journées fractionnées, les horaires atypiques de certain personnel, etc. Bref « Il y a dans les grandes collectivités une multiplicité de cas de figure de la gestion du temps, en fonction notamment des métiers et des astreintes, qui rend difficile la mise en place d’une règle uniforme ».
Pour les DRH, les négociations s’annoncent donc ardues. Pas évident en effet d’annoncer aux agents qu’ils vont travailler davantage sans compensation salariale à la clé et que certains d’entre eux verront désormais leurs heures supplémentaires transformées en heures normales. Le directeur des ressources humaines s’interroge sur la façon de présenter cette évolution comme positive alors même que « la proposition est, de fait, négative pour les agents ».
L’alignement du temps de travail sur le privé va faire également peser sur les grandes collectivités le spectre de la démotivation et de l’absentéisme. La recherche d’équité à tout prix reste questionnée par Patrick Coroyer ; « S’aligner sur le privé, on le fera c’est la loi. Mais encore faut-il pouvoir comparer réellement ce qui l’est. Autrement dit une collectivité de 10 000 agents face à une entreprise de même taille. Et s’interroger aussi davantage, notamment à l’heure du travail à distance, sur le contenu plus que sur le temps de travail ». A méditer.