Gilles, agent des espaces verts : "Notre métier revient à sa vraie source"
Après 36 années passées comme agent des espaces verts, Gilles Caillibot, agent des espaces verts et responsable d'équipe à Mordelles (Ille-et-Vilaine), réinvente progressivement son métier à l’aune de la transition écologique et des enjeux de gestion de l’eau.
Gilles Caillibot a 56 ans, dont 36 passés au service des espaces verts de la commune de Mordelles qu’il a intégré sitôt terminée sa formation de paysagiste. Pas fils de paysans mais élevé dans un petit bourg distant de 3 kilomètres, le jardinier a passé toute sa jeunesse à proximité d’exploitations agricoles. Dès les années 80 il entre comme agent polyvalent dans le service technique de la municipalité qui compte alors 3 personnes en charge des espaces verts. Son poste ne se limite pas à l’entretien des massifs, « j’assurais également de multiples petits travaux de maçonnerie et de plomberie » complète le fonctionnaire qui se remémore ce que revêtait son métier aux alentours des années 90.
Formé « aux jardins à la française » Gilles Caillibot a appris à manier la taille systématique au sécateur et à pratiquer un désherbage intensif. « Nous imaginions aussi des mosaïcultures, à savoir des tableaux constitués de plantes vivantes que nous dessinions en amont. Ce type d’ouvrages, on les trouvait souvent pour décorer les ronds-points stratégiques de la ville mais cela demandait beaucoup de temps, de budget et d’arrosage ».
L’agent se souvient également des sentiers qu’il a participé à concevoir lors de la construction de certains lotissements urbains. « Nous avions tracé des allées de gazon, des plantations d’arbustes, assurer la pose de mobilier… C’est la partie créative du métier qui aujourd’hui n’est plus du tout d’actualité ou, en tout cas, plus envisagé de la même façon » regrette le jardinier. En revanche s’il y a bien une évolution dont Gilles Caillibot ne se plaint pas c’est la drastique réduction d’emploi des intrants qui s’est diffusé dès les années 2000. « Nous utilisions des produits phytosanitaires de façon démesurée avec des dosages très forts pour l’entretien des allées sablées, des cimetières, des trottoirs, des pieds d’arbres. Ce qui nous permettait de réaliser cet entretien une seule fois dans l’année ». Sans compter que ces substances étaient mélangées en cuve puis pulvérisées sur les cultures, sans aucune protection. « L’époque où la vitrine de la collectivité passait par son niveau de fleurissement et un terrain de foot bien entretenu est désormais révolue, nous n’avons pas le choix » confie d’ailleurs l’agent, passé depuis chef d’équipe.
Pour la plupart des gens, voir des trottoirs et des parcs laissés avec de la végétation spontanée, cela n'est pas propre
Retour de la binette
Depuis quelques années en effet un outil s’est réaffirmé dans la main du jardinier et de ses collègues : la binette. Instrument de désherbage traditionnel voire archaïque pour certains, celui-ci permet de nettoyer manuellement les rues, chemins, allées sans avoir à recourir à des produits phytosanitaires. Il contraint par contre à un entretien et à des balayages plus réguliers. Voilà pourquoi ces dernières années le service technique s’est étoffé passant à une quinzaine d’agents dont huit dévolus aux espaces verts. « J’appelle cela la méthode PTB, “prends ta binette” », glousse le jardinier qui admet que ces changements de pratiques ne sont pas sans heurts avec la population.
« Pour la plupart des gens, voir des trottoirs et des parcs laissés avec de la végétation spontanée, cela n’est pas propre. Il nous faut à chaque fois expliquer, faire preuve de pédagogie. Heureusement que sur ce thème nous sommes soutenus par la communication faite au niveau du journal local et l’engagement des élus de la municipalité, comme de ceux de la Métropole de Rennes ». Cette nécessité d’échange avec les habitants est même devenue une compétence à acquérir dans le métier de jardinier.
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La nature reprend ses droits
Une aptitude qui se double de la capacité à intégrer désormais tous les champs de la transition écologique et des variations du climat dans la pratique quotidienne. « Finalement notre métier revient à sa vraie source. En contrepartie du temps consacré à désherber, nous dégageons de la capacité d’action ailleurs en réduisant par exemple les haies linéaires dans les jardins qui nécessitaient d’intervenir trois fois par an pour la taille sur chacune des faces. Celles-ci ont été remplacées par des arbustes à fleurs avec d’autres aspects de couleurs et de formes. Nous réintroduisons davantage de diversité et la nature reprend aussi ses droits avec des fleurs sauvages qui réapparaissent dans les espaces boisés comme des coquelicots, des marguerites, des orchidées sauvages » détaille l’agent.
Les grandes étendues aménagées du territoire qui obligeaient à des heures de tontes sont désormais fauchées avec l’aide des agriculteurs du territoire. « Après le Covid nous avons accentué notre politique sur la diminution de la tonte qui ne couvre plus que 30 % des espaces (parcs, chemins, chaussées, avenue principale) » confirme le jardinier. Cette gestion différenciée s’accompagne depuis peu d’une autre contrainte liée à l’usage de l’eau. Très consommateurs, les terrains de foot ne sont plus arrosés en été.
« On s’adapte, on ressème à l’automne pour qu’ils puissent être utilisables en hiver, on revoit notre choix de plantes en fonction de ce qu’elles consomment, le maintien du fleurissement est aussi questionné. Comment refleurir a minima avec des plantes adaptées à la sécheresse ? C’est sur cela qu’il nous faut travailler », explique Gilles Caillibot, bien conscient des nouveaux enjeux de sa fonction. « L’écologie nous oblige à penser notre métier différemment mais il y a un côté plaisant comme celui de voir revenir des plantes sauvages dans le milieu urbain et la faune associée comme certains insectes et papillons. Et cela, c’est notre travail qui le permet ! » sourit-il.
Agent des espaces verts
Fonction publique : territoriale
Catégorie : C
Filière : technique
Salaire : de 1 400 € brut mensuel (début de carrière) à 2 000 €
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