Temps de travail des fonctionnaires : le rapport Laurent tord le cou aux préjugés

La Rédaction • mis à jour le

Remise en mai 2016 à la ministre de la Fonction publique, une étude sur le temps de travail dans la fonction publique remet les pendules à l'heure. Etablie par Philippe Laurent, elle montre que les agents publics travaillent tantôt plus, tantôt moins que la durée légale du travail. Cela dépend des employeurs publics et surtout, de la nature des missions des agents. Mais selon le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, c'est l'organisation du travail qu'il faut avant tout chose revoir.

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[Mise à jour : 26/04/2017] Ils s'appelaient eux-mêmes "Petits Travailleurs Tranquilles" les agents des PTT, administration qui avant la réforme de 1990, regroupait La Poste et France Télécoms (devenue Orange). De l'autodérision, bien sûr. Aujourd'hui, les fonctionnaires n'ont plus envie de sourire quand on les traite de tir-au-flanc. Et cela arrive souvent. Ils n'ont pas vraiment envie de rire, les agents qui travaillent le week-end ou tard le soir. Pas plus que, entre autres, les agents techniques, les infirmiers, médecins et autres hospitaliers, dont les comptes-épargne temps sont plein à craquer sans possibilité, en pratique, de récupérer leur heures supplémentaires...

Le sujet du temps de travail des fonctionnaires fait régulièrement polémique. Au-delà de la récupération politique ou médiatique, la Cour des comptes a écrit, en 2015, que "les agents publics travailleraient en moyenne une centaine d’heures de moins par an" que les salariés du secteur privé" et que, dans certaines collectivités territoriales, la durée de travail serait inférieure aux 35 heures par semaine.

Les agents publics travailleraient en moyenne une centaine d’heures de moins par an que les salariés du secteur privé. [La Cour des comptes, en 2015((Rapport sur la masse salariale de l'Etat, Cour des comptes, rapport, septembre 2015.))]

D'où l'étude sur le temps de travail dans la fonction publique((Cet état des lieux du temps de travail dans la fonction publique a été dressé par Philippe Laurent, avec l'aide des inspections générales (IGF, IGA, IGAS et l’Insee) et des directions générales de l’administration et de la fonction publique et des collectivités, à la demande du Premier ministre Manuel Valls.)), menée par Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et remise à la ministre de la Fonction publique, Annick Girardin (photo ci-dessus), le 26 mai 2016 :

La focalisation sur le temps de travail des fonctionnaires est facile [...] Il y a toujours des exemples possibles sur 5 millions de fonctionnaires.  [Philippe Laurent]

Temps de travail : le gouvernement renvoie la balle aux employeurs publics et aux partenaires sociaux

Presque un an plus tard, le 18 avril 2017, et 3 semaines seulement avant avant le second tour de l'élection présidentielle, une circulaire sur le temps de travail de tous les fonctionnaires est publiée. Elle se réfère expressément au rapport de Philippe Laurent, qui souligne d'ailleurs que celle-ci répond aux recommandations qui y sont formulées "sans stigmatiser" les fonctionnaires, peut-on lire sur lagazettedescommunes.com.

Que dit le texte ? Il n'impose rien, sauf une évaluation de la situation dans un délai de 2 ans et la mise en place d'outils statistiques à cette fin.  En revanche, il incite fortement les employeurs publics — par "un dialogue approfondi avec les représentant du personnel"— à faire du temps de travail un levier pour

  1. adapter le temps de travail aux besoins des usagers et
  2. favoriser une meilleure qualité de vie des agents.

La circulaire rappelle en outre les grands principes de la réglementation applicables aux obligations annuelles de travail, aux autorisations spéciales d’absence, aux modalités d’attribution des jours de réduction du temps de travail, aux heures supplémentaires et aux astreintes.

Parmi les réactions syndicales relevées par LaGazette.fr : un lien insuffisant avec la règlementation européenne (FA-FPT), une trop grande timidité sur les autorisations spéciales d'absence (Association des DRH des grandes collectivités), la non-prise en compte les spécificités de la fonction publique territoriale (FA-FPT, UNSA)...

Rapport Laurent : les agents "font" souvent plus de 35 heures !

Quelques jours après la remise de son rapport à la ministre Annick Giradin, Philippe Laurent explique : "Il était  souhaitable, et même nécessaire, de dresser un bilan global, rétrospectif et – autant que possible – objectif de la mise en œuvre de la réforme du temps de travail dans les trois versants de la fonction publique. Il est même étonnant que cela n’ait pas été tenté plus tôt par ceux qui en critiquent le principe."

"Les aspects très pratiques  — les badgeuses, par exemple— ont été traités avec attention, indique Philippe Laurent, car évoquer le temps de travail sans envisager les difficultés concrètes d’application reste pure spéculation. C’est la raison pour laquelle de très nombreux entretiens et rencontres (environ 300) ont été réalisés avec des responsables de tous niveaux de diverses administrations centrales, déconcentrées, territoriales".

Les agents font souvent plus de 1 607 heures par an, mais de manière cachée, sous forme d’heures supplémentaires ou de comptes-épargne temps.[Philippe Laurent]

Commencer par respecter la règle des 35 heures

Il ajoute, lors d'une interview, que la fonction publique n'est pas toujours exemplaire, côté droit du travail. Il note, par exemple, chez certains employeurs publics, une méconnaissance des règles sur le temps de travail et de repos inscrits dans le Code du travail. Ainsi de l’amplitude maximale de 13 heures sur une journée et de la durée effective, qui ne peut dépasser 10 heures, sauf dérogation.

Philippe Laurent est favorable aux 35 heures dans la fonction publique. Il pense même que "pour plus d’efficience, il vaut parfois mieux travailler bien 30 heures que mal 35 heures". Mais les fonctionnaires font-ils bien leurs 35 heures ? Réponse : les agents font souvent "plus de 1 607 heures par an, mais de manière cachée, sous forme d’heures supplémentaires ou de comptes-épargne temps". Car la mise en oeuvre de la loi sur l'aménagement et la  réduction du temps de travail ne s'est pas accompagnée d'une augmentation des effectifs dans les administrations (ni, d'ailleurs, dans bon nombre d'entreprises...).

 Il n’était toutefois pas matériellement possible d’avoir un panorama exhaustif du temps de travail dans les fonctions publiques.

"Un questionnaire très largement diffusé a permis de recueillir des données objectives variées. Il n’était toutefois pas matériellement possible d’avoir un panorama pleinement exhaustif du temps de travail dans les fonctions publiques, explique Philippe Laurent. Une enquête portant sur la totalité des entités administratives aurait été trop lourde à mener, voire quasi-impossible ; de plus la lettre de mission du Premier ministre excluait un certain nombre de personnels d’administrations : personnels enseignants de l’Education nationale, magistrats, militaires..."

Tenir compte de spécificités de chaque fonction publique

Philippe Laurent souligne l’extrême diversité des situations et conditions d’emplois qui expliquent les "nombreuses particularités que l’on a pu rencontrer. Un hôpital n’est pas une commune, qui n’est pas une administration centrale. C’est la raison pour laquelle les astreintes, les sujétions particulières, les rythmes ont été analysés avec soin. C’est aussi pour cela que des éléments précis de comparaison avec le secteur privé ont été fournis, qui  relativisent fortement les différences souvent évoquées. Du reste, des responsables des ressources humaines du secteur industriel et des services ont été auditionnés, ce qui a permis de mesurer la convergence de certaines préoccupations, bien loin de certaines caricatures."

Revoir l'organisation et les méthodes de travail : le vrai enjeu

La question majeure n'est pas tant la durée du travail que l'organisation du travail dans la fonction publique. C'est là que le bât blesse. Ainsi, la mission insiste sur la nécessité de renforcer le rôle des managers intermédiaires et des services RH dans la gestion du temps de travail   des agents.

S'en tenir à 4 cycles de travail - La mission conduite par le président du CSFPT a notamment constaté l'existence de 9 cycles de travail dans la fonction publique. Or 9 cycles, c'est beaucoup trop, note-t-elle : cela complique la gestion des plannings comme le travail en équipe. La mission préconise de s'en tenir à 4 cycles de travail : "Les agents doivent pouvoir choisir leur cycle, si le service le permet, mais nous proposons de limiter le choix à 4, dont au moins un de 35 heures, qui n’entraîne pas de jours de RTT."

Un management qui laisse à désirer...  - Autres préconisations contenues dans le rapport Laurent :

  • l'annualisation de la durée du temps de travail avec un réel suivi par les managers et les RH ;
  • une harmonisation du temps de travail par la négociation pour éliminer progressivement le surdroit
  • le contrôle du temps de travail, quand et où cela est justifié ;
  • et, surtout, une évolution significative du management, avec une réforme de l'organisation du travail.

Réactions au rapport Laurent sur le temps de travail : des syndicats divisés

Réaction de la CFDT Fonctions publiques, à la remise de cette étude sur le temps de travail des agents publics : il faut éviter "toute approche purement quantitative, afin de privilégier l'analyse des organisations de travail et leurs impacts sur la qualité du service rendu à l'usager et sur la qualité de vie au travail des agents".

Le temps de travail dans la fonction publique mérite que tous les paramètres qui l'influencent soient pris en compte, ajoute le syndicat, notamment "la nature des missions et les sujétions qu'elles impliquent. Ainsi, et le rapport le souligne à juste titre, un agent sur trois est amené à travailler le dimanche et une proportion identique est concernée par le travail de nuit. La CFDT  partage l'avis du rapporteur sur l'évolution constante de la notion de temps de travail sous l'effet du développement des nouvelles technologies ou des besoins sociaux."

Engager un dialogue social avec les employeurs publics.

La CFDT Fonctions publiques affirme "l'importance d'une appropriation régulière et négociée de ces évolutions et de leurs conséquences sur les organisations de travail.  Elle veut se saisir de l'opportunité du rapport Laurent pour engager avec les employeurs publics, au plan national mais surtout au plus près des réalités locales, un dialogue social qui, jusqu'à présent, n'a pas eu lieu ou s'avère trop irrégulier pour être efficace." Les syndicats  sont partagés. Philippe Soubirous, de FO Fonction publique, dénonce dans "le Nouvel Observateur" : " On entretient le fantasme selon lequel les fonctionnaires travailleraient moins que les salariés, c’est faux."

Des habitudes ont été prises, des exceptions sont devenues la règl

"La réduction du temps de travail dans la fonction publique a sans doute été trop rapidement mise en œuvre, et a été plaquée sur des organisations préexistantes, non réexaminées explique Philippe Laurent. Ses conséquences pourtant inéluctables en terme de créations nécessaires de postes n’ont pas toujours été bien prises en compte.

Aujourd’hui, s’il faut respecter et parfois revenir à la règle de droit – ce qui s’impose aux employeurs et aux agents – il convient aussi de le faire dans un cadre positif, négocié. Pendant la mission, une place importante a été donnée à l'audition des organisations syndicales, et toute évolution devra se faire dans le cadre d’un dialogue social constructif et approfondi. C’est le sens d’un certain nombre de propositions de ce rapport.

Les discussions ou négociations sur le temps de travail peuvent être l’occasion, dans les administrations, d’une réflexion plus globale et dynamique sur l’adaptation du service public aux attentes des usagers, sur l’organisation, sur les compétences et la formation de l’encadrement, et sur les conditions de travail. Le temps de travail est un élément central de la qualité de vie au travail , il n’en est pas la variable d’ajustement.

Les recommandations proposées sont de nature et de portée différentes : législatives, réglementaires ou plus simplement fonctionnelles. Il appartient donc à chacun de mesurer l’importance de ces sujets au regard des exigences du service public et des attentes  légitimes des usagers."

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