Taux d'absentéisme des fonctionnaires territoriaux : le bond de 26% expliqué aux nuls
Selon une étude présentée par l'assureur des collectivités Sofaxis, le taux d’absentéisme dans les collectivités territoriales s’élèverait en moyenne à 9,3% en 2015. Soit une hausse de 26% en 8 ans. Regardons ce qui se cache derrière ces chiffres que d’aucuns utilisent déjà pour un grand "fonctionnaire bashing",...
- Références
- Inet-CNFPT, l'absentéisme dans les collectivités territoriales, avril 2016
Chiffres bruts : à manier avec précaution...
C’est en effet le chiffre avancé par l’étude de l'assureur Sofaxis : un "coût" de 2 067 euros par agent employé et par an (on ne parle pas de l’agent absent, mais d’une moyenne par agent employé). Sauf que… ce "coût" comprend, d’après Sofaxis, le "paiement des indemnités journalières"((Dans les collectivités territoriales, c’est l'employeur collectivité et non la Sécurité sociale qui prend en charge les indemnités journalières.)) par la collectivité, que l’agent soit remplacé… ou non ! Autrement dit, l’étude impute un "coût" de paiement de l’agent malade, argent qui aurait été déboursé si l’agent n’avait pas été malade, pour lui verser son salaire.
Dès lors, comment parler de "coût" ? Et quelle est la logique de Sofaxis quand il met dans un même panier les indemnités journalières et les "frais d’hospitalisation" de l’agent malade ? Une méthode de calcul sitôt dénoncée par le ministère de la Fonction publique (lire encadré).
Effet du jour de carence mis en place en 2012
Si la mise en œuvre du jour de carence avait entraîné une relative "baisse des indicateurs d’absence en maladie ordinaire en 2012 et 2013, les absences dépassent en 2015 les seuils de 2011", peut-on lire dans cette étude. En effet, dès 2012, le nombre d’arrêts et la fréquence des absences des agents territoriaux diminuent. Le nombre d’arrêts pour 100 agents passe de 70 à 60 %. En 2015, il remonte à 72 %. Logique. Dans le privé, les jours de carence ont le même type d’effet. Don't acte.
Premier facteur d’absence : la "maladie ordinaire"
La maladie ordinaire peut aller du petit rhume à un début de cancer, en passant par une fracture du poignet. Elle représente le premier facteur d’absence pour raison de santé (entre 41 % et 47 % du taux d’absentéisme chaque année). La longue maladie-longue durée représente environ un tiers du taux d’absentéisme global (entre 31 et 36 %), l’accident du travail de 12 à 15 %, et la maternité environ 10 %.
Vieillissement : plus d'accidents du travail
On observe une forte hausse du nombre des accidents du travail dans cette étude, qui s'appuie sur une enquête sur l’absentéisme dans les collectivités territoriales auprès d'un échantillon de 368 000 agents territoriaux : il affiche la plus forte progression (52 % depuis 2007). "Le vieillissement de la population explique en grande partie l’augmentation de la durée de ces arrêts", selon Sofaxis.
La durée moyenne des arrêts progresse de 5 % entre 2007 et 2015. Elle passe de 34 à 36 jours en 8 ans, toutes natures d’arrêts confondues, retrouvant son niveau de 2010.
Dans le secteur privé, c’est la même chose !
Le taux d’absentéisme progresse avec l’âge dans le privé aussi. Dans son "baromètre 2016", un cabinet privé observe qu'en 2015, ce taux "s’élève en effet à 3,02 % dans la tranche d’âge inférieure ou égale à 30 ans avec une gravité moyenne de 11 jours. Il atteint 6,55 % chez les plus de 55 ans avec une gravité de 23,9 jours calendaires. Cette année encore, ces chiffres confirment que les seniors font l’objet d’absences longues qui pèsent fortement sur le taux d’absentéisme de cette catégorie."
Par ailleurs, 44 % d’agents territoriaux ont été absents au moins une fois en 2015 : 75 % d’entre eux pour cause de maladie ordinaire (14 % pour accident du travail, 7 % pour un congé longue maladie-longue durée et 4 % en congé maternité).
Collectivités : "Size matters" (la taille compte)
La taille de la collectivité compte en matière d’absentéisme : dans les collectivités de moins de 3 000 habitants, davantage d’agents sont absents, plus souvent et plus longtemps. La taille de l’effectif influence les absences pour raison de santé, les agents sont plus de deux fois plus nombreux à s’arrêter dans les grandes collectivités.
Normal : dans une petite collectivité, on ne peut pas se faire remplacer, on hésite longuement, même quand on est malade, à faire peser sa charge de travail sur son unique collègue. Par contre, dans ces petites collectivités, quand un agent tombe malade, c’est souvent un arrêt de 3 semaines d’un coup. Et pour cause...
Quitte à donner des chiffres d’absentéisme et à évoquer des « bonds de 26 % » en 8 ans, autant comparer avec le secteur privé, puis avec les Européens …, afin de pondérer et voir ce qui se passe ailleurs, et peut être même avant 2007.
Si les données des secteurs public et privé ne sont pas comparables, pourquoi afficher ce taux d'augmentation de 9 % ?
Lors de la conférence de presse de Sofaxis, on nous assure ne pas pouvoir comparer "public et privé", car les "données ne sont pas comparables". Mais alors, que veulent dire les chiffres bruts affichés et ce "9,3 %" tout seul ? Il faut donc observer les évolutions des absences dans le secteur privé : Alma Consulting (un cabinet privé) l’a fait, comme chaque année.
Dans le privé, selon l’étude de Alma Consulting, le taux d’absentéisme était de 4,55 % en 2015, "légèrement supérieur à celui de 2014…", avec des salariés "moins motivés et plus absents que leurs voisins européens". Quitte à donner des chiffres d’absentéisme et à évoquer des "bonds de 26% en 8 ans, autant comparer avec le secteur privé, puis avec les Européens … afin de pondérer et voir ce qui se passe ailleurs, et peut être même avant 2007…
Relevons ces deux chiffres incomparables, puisque non issus des mêmes méthodes de calcul !
- taux d’absentéisme dans le secteur privé : 4,55 % en 2015 (en hausse)
- taux d’absentéisme dans la fonction publique territoriale : 9,3% en 2015 (en hausse)
Deux chiffres sont en hausse, donc, mais non comparables puisque issus de méthodes de calcul différentes… C’est ce qu'écrit le ministère de la Fonction publique dans une note : "Les modalités de calcul des taux d’absentéisme ne sont pas comparables d’une fonction publique à l’autre et entre le secteur public et le secteur privé, dans la mesure où les différents motifs d’absence ne sont pas comptabilisés de la même façon". Dès lors, la vraie question est "pourquoi" ces hausses ?
Quid de l’Etat et de l’hospitalière ?
"On a beaucoup embauché dans les collectivités explique Samuel Frédéric Servirez de l’Ifrap, un think tank libéral, interviewé sur France 5 peu après la présentation de l'étude. Il y a de la démotivation et des gens qui n’ hésitent pas à prendre un ou deux jours facilement » , notant que dans la fonction publique hospitalière les chiffres étaient les "mêmes que dans la territoriale; en revanche, la situation était différente dans la fonction publique d’Etat ". Sans citer ses sources.
Quant à la proposition de François Fillon de "supprimer 500 000 emplois de fonctionnaires, il répond : «…Dans l’avenir nous pourrions avoir des contrats de droit privé, des contractuels et des agents titulaires", ajoutant que "les contractuels sont moins absents que les autres". Un discours libéral, que l’on ne saurait que trop pondérer par d’autres témoignages.
"La Lettre du cadre territorial" va au fond du débat, met en lumière la cause véritable de l'absentéisme, dans son article Absentéisme, des mensonges à la pelle : "Ceux qui sont confrontés au monde du travail, le vrai, celui que vivent chaque jour les salariés, du public comme du privé, ceux-là savent que ce mal-être (doux euphémisme) est le plus puissant des moteurs de l’absentéisme. Pour les agents territoriaux, il ne faut peut-être pas chercher plus loin que l’austérité que vivent les collectivités, frappées de plein fouet par la baisse des subventions et la disette budgétaire, et que la difficulté qu’ont les exécutifs territoriaux à donner un nouveau sens au service public dans ces conditions."
Pourquoi ne pas mettre en évidence les difficultés du quotidien des fonctionnaires, plutôt que d’aligner des chiffres sans explication ?
Elle est peut-être à chercher de ce côté-là, l’explication : le mal-être, le burn-out, les profondes mutations subies ces dernières années par des fonctionnaires stigmatisés. "Loi Notre", restrictions des dotations, difficultés des managers territoriaux à gérer ces contraintes lourdes et donner du sens au travail de leurs équipes : pourquoi ne pas mettre en évidence les difficultés du quotidien des fonctionnaires, plutôt que d’aligner des chiffres sans explication ?
Riposte
Selon le ministère de la Fonction publique, comparez que ce qui est comparable !
A lire dans "la Gazette des communes, cette riposte du ministère : « Le ministère reproche au courtier d’intégrer dans son taux d’absentéisme global les congés de longue maladie et les congés de longue durée, ainsi que les congés pour maternité "qui ne sont pas des absences pour maladie".
C’est un choix que Sofaxis a fait il y a 15 ans, le statut de la FPT imposant aux employeurs de payer leurs agents pendant ces absences. La même méthodologie ayant été utilisée depuis le début, les évolutions à la hausse de l’absentéisme mise en avant par le courtier sont donc difficilement contestables, et ne sont d’ailleurs pas contestées par le ministère. Celui-ci conteste en revanche la comparaison public-privé.
- Références
- Inet-CNFPT, l'absentéisme dans les collectivités territoriales, avril 2016
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