Souffrance au travail des fonctionnaires : le cri d'alarme de la FGAF

La Rédaction • mis à jour le

En couverture, la "Nef des fous" de Jérôme Bosch. A l'intérieur, une somme de références documentaires et de témoignages. Le livre blanc de la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF), remis le 21 novembre 2012{C}{C} à la ministre de la Réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique Marylise Lebranchu, montre à quel point la réduction des effectifs engendre de la souffrance au travail chez les fonctionnaires.

Ce livre blanc sur la souffrance au travail des fonctionnaires et des agents publics a été écrit par José Razafindranaly, commissaire de police à la retraite, et Hervé Garlert, professeur agrégé d’allemand. C'est en juin 2011 que les auteurs ont décidé de réaliser ce travail, parce que la situation devenait préoccupante dans les différents corps et métiers de fonctionnaires représentés par la FGAF.

De A comme accident à V comme violence

• La première partie du livre blanc est un abécédaire des mots de la souffrance au travail, de A comme accident à V comme violence.

• La deuxième partie compile études, rapports, textes réglementaires, législatifs, directives, accords, plans d’action et autres guides.

• Le troisième volet s’attaque aux maux, à travers des récits d’adhérents de la FGAF et des analyses de cas repris dans la presse.

Les premiers cités, dans les collèges et lycées, témoignent de l’absence de soutien de la hiérarchie.

Dans l'administration centrale, c’est la surcharge de travail, en partie due à la réduction d’effectifs, le stress et la difficulté à se faire entendre de sa hiérarchie qui sont à la source de la souffrance.

Dans la pénitentiaire, "à bout de souffle", c’est le manque de personnel, le fait de travailler de 8 à 10 jours d’affilée, sans repos hebdomadaire, qui empêche par exemple d’organiser sa vie familiale et personnelle et de rentrer chez soi et l’absence de soutien et de solidarité entre collègues, qui est dénoncée.

Quand le travail réel porte atteinte à l’intégrité des agents

A propos des agents territoriaux, c’est l’absence d’indépendance de la médecine de prévention et les mises au placard qui sont soulignées.

Chez les commissaires de police, le harcèlement d’un cadre supérieur par un autre cadre supérieur est décrit. Dans la police scientifique, le cumul d’astreintes et d’heures supplémentaires non récupérées faute de remplacements, la charge mentale qui s’accumule du fait, là encore, du manque d’effectifs et de la récente "politique du chiffre".

"La souffrance arrive par le surplus de travail et la non-reconnaissance", décrivait Nicoel Helies, secrétaire générale du Syndicat national des personnels de police scientifique (SNPPS). Au vu des cas recensés par son organisation membre de la FGAF, 1 policier scientifique sur 6 serait en souffrance.

L’omerta des fonctionnaires

"Les situations se dégradent, sans que rien ne soit dit. Les gens ont peur. C’est l’omerta", décrivaient les représentants de différents métiers de la fonction publique, lors de la présentation de l’ouvrage, destiné à être diffusé largement et à porter les revendications de cette fédération minoritaire en nombre, mais représentant différents niveaux hiérarchiques et des métiers souvent exposés.

Réunis, tous reconnaissaient des vertus à la parole. "Les gens qui acceptent de parler se libèrent. Ils le font dans la souffrance, mais ils se libèrent. C’est le silence qui tue",  assurait Hervé Garlert, qui a recueilli les témoignages. "On ne prend pas la mesure des difficultés rencontrées par les agents sur le terrain. Il y a une volonté de ne pas voir, notamment à l’Education nationale", décrivait en écho François Portzer, secrétaire général de la FGAF.

Dans les services de l’Etat, la révision générale des politiques publiques (RGPP) est pointée comme source de la souffrance. Tandis que dans la territoriale, c’est la pression exercée par des élus et les alternances d’équipes politiques qui paraissent le plus néfastes, entraînant la rétrogradation de taches ou la relégation de fonctionnaires, ou "mise au placard".

"Dans la territoriale, les élus font pression sur la hiérarchie qui met la pression sur les agents au bas de l’échelle. Leur travail n’est pas reconnu. Ils se sentent rejetés et cela crée une souffrance. La hiérarchie demande toujours plus avec moins de moyens. Si quelqu’un parle, l’avancement ne se fait plus", a souligné Yolande Restouin, secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale, qui suggérait de rechercher les causes réelles de l’absentéisme et des longues maladies, coûteuses pour les collectivités.

Des pistes d’action

Pour sortir de cette situation, la FGAF propose 8 mesures et 71 recommandations "pas forcément coûteuses, mais qualitatives", selon ses auteurs. Reste à attendre que la direction générale de l’administration et de la fonction publique DGAFP se saisisse de ce très instructif livre blanc.

ENTRETIEN

Yolande Restouin,
secrétaire générale nationale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT)

EmploiPublic.fr : Comment la souffrance des fonctionnaires, mise à plat dans le Livre blanc publié par votre fédération, la FGAF, se traduit-elle dans la fonction publique territoriale ?

Yolande Restouin. Dans la fonction publique de l’Etat, c’est la révision générale des politiques publiques qui a désorganisé les choses. Dans la fonction publique territoriale, c’est la pression des élus locaux qui crée de la souffrance. Ils demandent de plus en plus aux cadres au sommet de la hiérarchie. Cela se traduit au bas de l’échelle par un surcroît de travail. Or ce travail de base n’est pas reconnu. L’agent lui-même ne se sent pas reconnu dans ce qu’il fait, il se sent rejeté. Une Atsem (agent territorial spécialisée des écoles maternelles) ou un balayeur font des travaux primordiaux pour le service public. Or leur fonction n’est pas valorisée. Elle peut même être dévalorisée par certains élus. C’est cela qui ouvre la porte à la souffrance.

Vous estimez que la médecine préventive ne joue pas son rôle. Pourquoi ?

— Elle est partie prenante avec la collectivité. Les médecins de prévention ne sont pas indépendants. Ils n’ont pas toujours la possibilité de faire remonter les cas de souffrance au travail.

Vous soulignez les mises au placard. Sont-elles toujours aussi fréquentes ?

— Elles s’amplifient. Car les collectivités fonctionnent de plus en plus comme des entreprises. Le maire a plusieurs casquettes. Il est maire, conseiller général, président de communauté, des fonctions très différentes. Il veut que sa collectivité fonctionne d’une certaine manière. Pour la mise en œuvre de ses politiques, il compte sur son directeur général des services. Or entre celui-ci et les agents, il y a les petits chefs. Pour ne pas avoir à subir la pression de leur hiérarchie, ce sont eux qui mettent la pression sur la catégorie en dessous.

Le déroulement de carrière est important pour les agents. Quels freins constatez-vous ?

Certains maires engagent les agents au plus bas de l’échelle. S’ils ne suivent pas sa ligne, ils restent au même grade jusqu’à la fin de leur carrière. Ces maires ont un droit de vie et de mort professionnel sur leurs agents, et cela, quel que soit le bord politique. Si ces agents ne connaissent pas d’élus ou si leurs chefs font blocus entre eux et les élus, ils n’ont aucune évolution.

Quelles solutions trouver ?

Les élus ne cherchent pas vraiment les causes de l’absentéisme. Pour eux, le fonctionnaire en arrêt est un fainéant. Or si l’on cherchait la cause réelle de certaines longues maladies et dépressions, on pourrait trouver des solutions.

Qu'est-ce que la FGAF ?

Cette organisation qui a rassemblé environ 2 % des voix aux dernières élections, regroupe 18 organisations syndicales dans les trois foncions publiques. Elle est majoritaire au Sénat (SFS) et bien représentée dans les services du premier ministre (SAPPM), aux finances (FGAF-finances avec le SNA FIP, le SNI FIP, le SNDS, le SPSCM) dans la pénitentiaire (SPS, JSM), chez les commissaires de police (SCPN), dans la police scientifique (SNPPS) membres de la FAMI, présente aussi au ministère de l’agriculture (SNISPV), à l’éducation nationale avec quatre syndicats réunis en Confédération (SNALC, SNE, SPLEN-SUP, SupAutonome). La Fédération autonome Culture regroupe le SMESAC et le SAMIC. Dans la territoriale, c’est le SAFPT qui la représente. Et dans l’hospitalière, l’Ufas.

Martine Doriac, LaGazette.fr

Pour aller plus loin

• Le "Livre blanc sur la souffrance au travail", FGAP, 11 novembre 2012

• Possibilité de télécharger uniquement la partie A : "Abécédaire de 45 notions"

Pour aller plus loin sur Emploipublic.fr

L’impact des réformes de l’Etat sur ses agents : l’éclairage de Nathalie Robatel, 20 septembre 2012

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