L’administration pénitentiaire retarde la formation de trois promotions d’élèves surveillants
L’entrée de trois promotions d’élèves surveillants à l’Ecole nationale d'administration pénitentiaire (Enap) va être décalée de plusieurs semaines. La 178e promotion, qui devait commencer en mai, fera son entrée le 5 juillet 2010, la 179e en novembre au lieu d'octobre, et la 180e en février 2011 au lieu de décembre 2010. Les dates des concours n’ont pas été modifiées, pas plus que la durée de la formation - un peu moins de sept mois - pour les quelque cinq cents élèves de chaque promotion. « Ce report a été décidé pour des raisons d’organisation interne. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que cela arrive », précise Arthur Dreyfuss, porte-parole adjoint du ministère de la Justice."Cessation de paiement" ? Pour l’Ufap/Unsa (Union fédérale autonome pénitentiaire), principal syndicat de surveillants, cette décision, au contraire, fait partie des arbitrages pris par le ministère pour faire face à une situation budgétaire "catastrophique" dans l’administration pénitentiaire. Allant jusqu’à parler de "cessation de paiement", le syndicat estime que le budget 2010 "ne pourra pas, en l’état, payer les salaires et les indemnités" des personnels pénitentiaires. Le budget du ministère de la Justice est l’un des rares à progresser en 2010 : + 3,42 %, à 6,86 milliards d’euros, dont 2,7 milliards pour l’administration pénitentiaire.« Lorsqu’il nous a été présenté, il y a deux ans, comme en hausse, le budget triennal nous semblait déjà ric-rac, étant donné le nombre de nouveaux établissements en prévision », souligne Jean-François Forget, secrétaire général de l’Ufap/Unsa, qui pointe « une très mauvaise gestion des ressources humaines, avec une explosion des heures supplémentaires »."Contraintes de gestion". En visite à l’Enap à Agen le 27 mai 2010, la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a réfuté toute idée de cessation de paiement : « Telle n’est pas la réalité et sonner le tocsin dans le vide, créer de l’inquiétude n’a jamais été très utile ». « Il n’y aura aucune conséquence sur le versement des salaires et des primes. J’y veillerai personnellement », a-t-elle assuré, faisant état de "contraintes de gestion". Fin décembre 2009, suite à un mouvement de mécontentement des surveillants, Michèle Alliot-Marie avait dû intervenir pour obtenir que les primes et heures supplémentaires soient réglées avant les fêtes.Selon l’AFP, la garde des Sceaux a également confirmé que la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, Isabelle Gorce, avait été suspendue de ses fonctions, en mai 2010, pour avoir rompu la confidentialité d’une réunion de travail au ministère, au cours de laquelle "un certain nombre d’hypothèses pour mieux utiliser les budgets" avaient été faites.Heures supplémentaires. Le budget 2010 prévoit la création de 863 emplois parmi les personnels pénitentiaires, alors que partout ailleurs des postes sont supprimés. « Mais cela reste largement insuffisant par rapport au nombre de places créées pour les détenus, affirme Jean-François Forget. Il y a un manque criant de fonctionnaires. »Le report des promotions de l’Enap « n’aura aucun impact sur l’ouverture des nouveaux établissements ni sur le renforcement des services de nuit, engagements pris en mai 2009 », assure Arthur Dreyfuss, au ministère. Le secrétaire général de l’Ufap/Unsa en conclut, de son côté, qu’en attendant la sortie des élèves, « il faudra avoir recours à davantage d’heures supplémentaires, qui coûtent plus cher qu’une nouvelle recrue ». Selon lui, « alors que 30 millions d’euros par an avaient été prévus au budget pour le paiement des heures supplémentaires, ce poste atteint aujourd’hui près de 60 millions ».Caroline LefebvrePhoto : Bruno GAUTIER / KR Images Presse