Jean-Luc Guillemoto, de la préfecture à la direction de l'IRA de Nantes

Christine Cathiard • mis à jour le

Avant d’être à la tête de l’une des grandes écoles de l’administration, l'IRA de Nantes (Loire-Atlantique), Jean-Luc Guillemoto a été directeur de cabinet, adjoint de sous-préfet, chef de bureau au ministère de l’Intérieur… Des postes à haute responsabilité et des moments forts où l’on se sent "sur le fil du rasoir". Rencontre avec celui qui a rejoint, à l'été 2017, le ministère de l'Immigration. Jean-Louis Donz le remplace à la tête de l'IRA.

C’est un homme tout simple qui débarque dans le bureau avec son sac à dos. Et pourtant, il fait partie de grands commis de l'Etat, qui œuvrent à l’abri des regards et des médias dans des moments aussi importants que le naufrage de "l’Erika", les festivals de musique techno ou encore les déplacements du chef de l’Etat… Avant de devenir le directeur de l’un des 5 instituts régionaux d’administration (IRA) qui forment les futurs cadres de l’administration française.

Etudes du futur directeur de l'IRA : comptabilité et droit public

Coté études : un bac G2 de comptabilité, pour commencer. "Mes études de compta m’ont passionné. Je voulais être comptable !" Jean-Luc Guillemoto intègre alors la faculté de droit, en visant un DECS de comptabilité. Or... "Je découvre le droit public, je me suis passionné et, du coup, j'ai peu touché au droit privé.3"

Assez rapidement, intégrer l’administration lui apparaît une « voie normale, une évidence » : ce sera donc l’IRA de Nantes (Loire-Atlantique) en 1978, créé cinq ans seulement auparavant. Au concours d’entrée, la première tentative sera la bonne. « Découverte de Paris » pour passer l’oral de l’IRA à la tour Montparnasse, puis embarquement pour deux années de formation. "J’ai découvert à l’IRA d’autres disciplines, comme la rédaction administrative, et une intervenante avec beaucoup de charisme, une directrice de préfecture à la fois attentionnée et exigeante. "

Premier poste en préfecture, en qualité de rédacteur

Premier poste à la préfecture de Seine-Maritime, comme rédacteur, puis à Mayotte, où il fut gestionnaire pendant seize mois pour le compte du service national. «J’ai découvert une autre partie de la France, une autre culture, d’autres pratiques administratives avec le sentiment d’être pionnier car l’administration se mettait en place à l’époque ; il n’y avait pas encore de transmission électronique, il fallait aller à La Poste pour appeler la métropole ! »

Après Mayotte, la Seine-Maritime, l'un des plus jeunes responsables de bureau

Puis retour dans la Seine-Maritime, comme responsable de bureau, parmi les plus jeunes, à une époque où « on ne parle pas encore de management » et où il faut gérer un service de 18 personnes. « Je n’étais pas préparé au management et j’avais deux adjointes de l’âge de ma mère » explique-t-il, avec un sourire, en se souvenant que les jeunes femmes du bureau à l’époque « tapaient jusqu’à 100 cartes par jour » (carte d’identité, passeport). Il en retient une expérience difficile mais riche, mélange de maternage, d’apprentissage et d’affirmation de soi.

A 26 ans, Jean-Luc Guillemoto occupe différents postes à la préfecture de Charente-Maritime, à la Rochelle : « Une très belle ville quand on y vit, mais l’envers de la carte postale est différent, c’est une zone touristique avec tous les problèmes inhérents. » Ses deux enfants naîtront là-bas, un moment important de la vie familiale de 1983 à 1997.

Formation et informatisation

Durant cette période, il explore de nouveaux champs dont ceux de la formation et l’informatisation des services « c’était les débuts de l’informatisation, il fallait anticiper plutôt que subir, j’étais correspondant informatique de la préfecture ». Etant aussi référent formation, il propose diverses actions de formation aux services.

En 1987, il est nommé responsable de la gestion des moyens de la préfecture, avec Pierre Joxe à l’époque à l’Intérieur, dans un contexte de modernisation, qui dote la préfecture d’un budget autonome de fonctionnement : "Neuf mois plus tard, le préfet cherchait un responsable, je me suis porté candidat et ce fut une période riche et intense, avec la mise d’outils de gestion en capitalisant sur mes connaissances informatiques. "

Il deviendra responsable des moyens de la préfecture Informatique-Bâtiment-RH : « Un moment clé car ça m’a conduit à prendre la mesure des attentes qu’on peut avoir vis-à-vis d’un cadre, nous avions notamment monté un groupe de travail sur l’optimisation des règles de gestion, l’échange de bonnes pratiques.»

Rochefort : adjoint du sous-préfet

Au bout de sept ans, nouveau poste à la sous-préfecture de Rochefort, comme adjoint du sous-préfet. "L’animation d’un territoire, d’une petite équipe, une autre vision de l’administration, avec le souci de l’impact des actions conduites : un territoire très intéressant de plus de 165 000 habitants, mixant ruralité et tourisme littoral, avec des enjeux territoriaux marqués, des problèmes économiques, se souvient Jean-Luc Guillemoto, il y avait un contact direct avec les élus, et déjà des réflexions sur l’intercommunalité, le développement économique, l’usage de l’eau" Trois années avec des moments forts, la visite du président de la République de l’époque, les arbitrages entre agriculteurs, ostréiculteurs et associations de défense de la nature.

Lorient, 1999 et l’arsenal

Puis ce sera Lorient, comme secrétaire général de la sous-préfecture. "Je revenais dans mon département ! Natif de l’intérieur des terres, je connaissais finalement peu cette ville ouvrière qui était le poumon économique, avec des problèmes économiques liés au désengagement de l’Armée (la base sous-marine venait de fermer)."

Le jour où il prend ses fonctions, pas de chance : le lundi à 14h30, grosse manifestation des ouvriers de l’arsenal devant la sous-préfecture ! Finalement ce seront "quatre années très riches, 55 agents, de nombreux dossiers à traiter, la découverte de l’intérieur du Festival Interceltique, des enjeux de management internes".

Le naufrage de "l’Erika"

Puis, il évoque avec émotion un moment fort, le naufrage de l’Erika (*), le 12 décembre 1999, les nappes de mazout sur les plages la nuit du 25 décembre …"le préfet souhaitait auprès de lui quelqu’un qui fasse l’interface entre Total et les élus du littoral dont les cotes avaient souillées. Un travail intense, pendant de six à neuf mois, pour veiller au respect des engagements pris par Total sur la dépollution, une charge de travail intense et une charge émotionnelle forte, avec une image en tête : "A Belle-Ile, je me déplace avec les maires, la DDE pour faire l’inventaire des zones afin d’obtenir la dépollution par Total… un week-end, sur les côtes, dans une petite crique rocheuse souillée, il y avait une centaine de personnes qui remontait des seaux de mazout à la main de la falaise, il faisait froid et les gens pour se réconforter chantaient, il y avait ce chant lancinant, le silence puis le bruit des vagues…"  Un travail intense, mais aussi des relations d’amitié durables avec celles et ceux croisés lors de ces multiples déplacements… illustrées par la création d’un raid pédestre "le grand raid insulaire" pour faire redécouvrir cette "belle île" aux rivages dépollués et à nouveau accessibles.

A Cahors, directeur de cabinet pendant trois ans

Dans une projection de poste de sous-préfet, il quitte Lorient pour le Lot, comme directeur de cabinet auprès de la préfète. Cahors, 25.000 habitants, dans un département "attachant, typé, préservé en termes de paysages avec des lieux sublimes ». Ce poste demande des exigences professionnelles importantes de disponibilité, de relais de l’action du gouvernement : j’ai eu la chance de travailler avec une préfète qui m’a appris ce métier".

Teknival et chenilles urticantes

Il effectuera encore un virage en devenant sous-préfet, directeur de cabinet du préfet de région champagne Ardennes…et des souvenirs de « vignobles, Reims, la campagne, les champs de betteraves ! Ce fut intense avec quelques événements très forts, comme le Teknival de 2005 et cette invasion de chenilles processionnaires urticantes, en plus de l’alcool et de la drogue. Il y avait eu une communication pour dissuader les gens de rejoindre le site. Dans ces moments-là, on se sent sur le fil du rasoir, il y a quelques grands moments de solitude où l’on attend avec inquiétude que le jour se lève ».

Dans la plus grande confidentialité, il organisera aussi le déplacement du chef de l’Etat. Trouver des lieux d’accueil pour 700 personnes sans dire de quoi il s’agit, tout un programme…

Deux ans plus tard, c’est au ministère de l’Intérieur que Jean-Luc Guillemoto prendra le poste de chef du bureau des personnels techniques et spécialisés. Kesako ? La gestion de 10 000 personnes tout d’abord, informaticiens, ingénieurs, contrôleurs des services techniques, assistants sociaux ou contractuels. Ensuite, plusieurs corps de catégories C qu’il fallait regrouper dans un même corps.

Encore deux années, et il devient adjoint au sous-directeur de la formation et du recrutement pendant trois ans. « Il fallait anticiper pour que les personnels puissent s’adapter aux évolutions des missions et des organisations. « La formation a cette vertu : rester humble… et persévérant ». Ce poste a été le sas pour l’IRA ».

Directeur de l’IRA de Nantes

En août 2011, il devient directeur de l’IRA de Nantes (lire encadré) : "C’est comme une petite PME, le directeur est assisté d’un conseil d’administration. Il nous faut former les futurs cadres de l’administration, avec comme objectif qu’ils soient pleinement opérationnels un an après et répondre aux attentes des employeurs.

Nous ne formons pas nos attachés à des métiers mais à appréhender, par un positionnement approprié, les responsabilités qu’ils auront à exercer, leur donner les atouts nécessaires pour arriver à appréhender la diversité des métiers dans des relations à construire avec les autres. Ils devront se mettre au service de l’intérêt général, être porteurs des valeurs du service public comme l’engagement, le respect, l’innovation, l’anticipation…).

Il nous faut les préparer aux enjeux de la modernisation de l’action publique, leur apprendre à être acteur dans la conduite du changement, être des référents, on ne forme pas des experts RH ou marchés publics, il faut leur apprendre à savoir bien se positionner tout en portant les valeurs du service public. »

A 56 ans, Jean-Luc Guillemoto n’a ni terminé son parcours, ni dit son dernier mot…

Ainsi, en août 2017, Jean-Luc Guillemoto est nommé sous-directeur de l'Accès à nationalité française en août 2017 (ministère de l'immigration), après reçu la médaille de chevalier de la légion d'honneur en 2016. Jean-Louis Donz le remplace à la tête de l’IRA de Nantes le 1er novembre 2017.

L'IRA de Nantes, en bref

L'école des responsables administratifs de l'Etat
L’IRA (institut régional d’administration) de Nantes dispense une formation professionnelle, post-universitaire et interministérielle aux futurs cadres de l'Etat, afin qu'ils soient en mesure d'exercer différents métiers, quelle que soit leur administration d'affectation. L'IRA de Nantes accueille aussi des fonctionnaires déjà en poste, pour des formations, à la demande de leur administration ou sur catalogue, leur permettant ainsi de se perfectionner à tout moment dans leur carrière.

 

(*) "L’Erika" est un pétrolier battant pavillon Maltais (pavillon de complaisance) construit en 1975 et affrété par la société Total, qui a fait naufrage le 12 décembre 1999 au large de la Bretagne, lors d'un transport de 30 884 tonnes de fioul lourd en provenance de Dunkerque et à destination de Livourne (Italie).

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