Frédéric Boiron, président de l’ADH : "Directeur d’hôpital? Un métier complexe et méconnu"

[caption id="attachment_30365" align="aligncenter" width="550" caption="© ADH"]

Lors des journées nationales de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH), les 17 et 18 mars 2011, Frédéric Boiron, directeur du centre hospitalier de Beauvais, a été élu à la présidence de l'association pour quatre ans. Entretien.

L'ADH vient de fêter ses 50 ans : comment le métier de directeur d'hôpital a-t-il évolué en un demi-siècle ?

Il a évidemment beaucoup changé même si je ne le connais pas depuis aussi longtemps… Le directeur d'hôpital (DH) a un rôle plus central aujourd'hui qu'il y a 50 ans, il est à la fois arbitre et coordinateur. Mais le positionnement du DH en tant que manager de santé publique est apparu plus récemment.
Il y a encore 20 ans, il était dans un rôle d'intendance, de gestion. Aujourd'hui, il a une position transversale avec un ensemble de responsabilités : désignation des responsables des pôles, arbitrages internes à l'établissement, création des postes médicaux, nomination des directeurs adjoints… Il travaille en collaboration avec la communauté médicale, en copilotage avec les responsables médicaux, les chefs de pôle, le directoire…

Le président de la République a dit en 2009 qu’il souhaitait "un vrai patron" pour l’hôpital. Est-ce aujourd’hui le cas ?

C’est vrai que le directeur d'hôpital a été présenté comme tel à l'occasion du débat sur la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), et c'est aussi à ce moment-là qu'il est apparu sur la scène médiatique. Jusqu'alors dans l'esprit des gens, l'hôpital, c'était avant tout des médecins et des infirmières. Or les hôpitaux ont besoin d’être dirigés par des gens qui sont formés pour cela. Cela ne s’improvise pas : le métier de DH est complexe et méconnu, à la limite de deux mondes, celui du service public et celui de l’entreprise.

Le congrès de l’ADH a été l’occasion de présenter un film et un guide sur le métier de directeur d’hôpital : quelle est leur vocation ?

Le film, de quatre minutes environ, a vraiment été conçu dans une logique grand public à destination des personnes qui s’intéressent aux métiers publics. Le guide est un peu plus technique, même s’il a été rédigé de façon claire. Il va être diffusé auprès des professionnels. L’objectif est également de le rendre disponible dans les universités : c’est un moyen de contribuer à faire connaître nos activités, montrer la diversité des fonctions exercées par les directeurs d’hôpital.

Lors de ce congrès, la question de l’évaluation des directeurs a été abordée…

L'américain Don Wagner nous a donné une vision très intéressante de l'évaluation, non pas appréhendée comme une sanction mais comme la recherche de progrès. Ce modèle de l'évaluation comme moteur de l'amélioration est celui vers lequel nous souhaiterions aller.
Il y a encore quelques années, le DH était noté, comme tous les fonctionnaires. Depuis la fin 2005, nous sommes passés à l’évaluation annuelle. Cela constitue déjà une avancée importante, mais nous souhaiterions aller plus loin en participant avec d’autres organisations, en particulier l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) et le Centre national de gestion (CNG), à un travail sur le développement de l’évaluation professionnelle, notamment la modernisation de ses critères, et ses conséquences.

Vous aviez invité des hauts fonctionnaires d’autres horizons à venir échanger avec vous. Pourquoi ?

On se rend compte que le sujet des "hautes" fonctions publiques intéresse beaucoup nos collègues. Il y a d'ailleurs une meilleure connaissance aujourd'hui entre les administrateurs civils, les administrateurs territoriaux, les directeurs d'hôpital : chacun est moins dans sa bulle, il y a une plus grande volonté de se connaître dès la formation.
Des saynètes préparées par des élèves directeurs, l'une par des filles, l'autre par des garçons, ont beaucoup interpellé les participants. Les filles ont choisi la place des femmes dans les postes à responsabilité et tous les lieux communs que cela génère : jugements sur la maternité, la crédibilité… Les garçons ont eux consacré leur intervention aux différences entre les trois grandes écoles d'administration que sont l'ENA, l'Inet et l'EHESP, en jouant le rôle de trois anciens élèves échangeant sur leurs postes respectifs. C'était percutant et décapant, chacun en a pris pour son grade…

Quelles sont aujourd’hui vos priorités, en tant que nouveau président de l’ADH ?

Ce sont celles que j’ai présentées dans ma profession de foi : une politique de synthèse en cultivant ce qui rapproche et non ce qui divise ; l’exploration des territoires nouveaux du management hospitalier ; la prolongation des efforts de médiatisation de l’ADH pour la reconnaissance des directeurs d’hôpital.
Je souhaite favoriser la logique du travail d'équipe. J'ai souhaité que tous les élus de l’ADH puissent se réunir dans le cadre d’un séminaire, qui devrait être organisé début juin, afin de préparer les grandes orientations de ce mandat.
L’ADH est devenu un lieu de représentation efficace des directeurs d’hôpital, très œcuménique. Son rôle est de cultiver ce qui rapproche les adhérents, chercher les points d’accroche. C’est également un lieu de réflexion professionnelle, un laboratoire d’idées.

Entretien réalisé par Emmanuelle Chaudieu

Plus d'informations :
Le site de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH)

Sur EmploiPublic.fr :
• Notre dossier sur Le nouveau statut des directeurs d'hôpital, mai 2010.
• Nos reportages vidéo tournés à l'occasion des journées nationales de l'ADH, sur la mobilité dans la haute fonction publique, et sur la formation des hauts fonctionnaires (à venir), mars 2011.

Crédit photo : © ADH